Par Elsa Collobert
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« Se souvenir, c'est d'abord agir »

Moment fort de la commémoration du 80e anniversaire de la rafle du 25 novembre 1943, il est aussi son versant scientifique : un colloque, intitulé « Engagé(es) et engagement », est organisé cette semaine entre Clermont-Ferrand et Strasbourg. Florence Faberon, sa coorganisatrice pour l'Université de Clermont Auvergne (UCA), nous en dit plus sur cet événement fédérateur pour les deux communautés universitaires, unies dans le souvenir.

Comment et pourquoi cet événement a-t-il été pensé ?

Dès le lendemain de la rafle, passé le temps de la sidération, il a très vite été décidé qu'il fallait commémorer pour ne pas oublier.  A la création de l'UCA (2017), le format colloque est venu prolonger la cérémonie commémorative : c'était la réponse de l'institution à cette grave agression contre ses valeurs intrinsèques.

« Résistance et résilience », « Patrimoine, tourisme et mémoire », « Handicap et conflit armé », « Au défi de l’occupation ennemie : protection, résistance et résilience » : depuis, la manifestation a été déclinée chaque année autour d'une thématique forte. Cette année, nous avons voulu marquer le coup avec une commémoration particulière, pour le 80e anniversaire, sur les deux lieux. Rappelons que le programme s'est construit main dans la main avec l'Université de Strasbourg, autour de valeurs communes. Nous assurons la coordination avec mes collègues Arnaud Paturet et Corinne Benestroff. L’Université de Strasbourg a été associé via notamment Mathieu Schneider, vice-président Culture, science-société et actions solidaires de l'Université de Strasbourg. Nos deux universités offrant à leurs étudiants les conditions matérielles pour s'engager, ce thème s'est imposé. Il s'agit de tenter de saisir la diversité des formes d'engagement, leurs fondements et leurs ressorts ; leurs représentations. Mais aussi de s'interroger : Comment susciter l'engagement et le transmettre ?.

Concrètement, comment se déroule-t-il ?

Le colloque a été construit dans une perspective pluridisciplinaire, croisant histoire, droit, anthropologie, philosophie, littérature, études cinématographiques...

Les deux premiers jours, lundi et mardi, se déroulent à Clermont ; jeudi et vendredi à Strasbourg.

Le programme a été construit autour d'évocations de figures engagées de l'histoire – Germaine Tillion, Georges Canguilhem, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, le lycéen clermontois Jean Zilberman... – et de questionnements contemporains. Citons deux interventions exemplaires, celle de l'étudiante strasbourgeoise Lucie Fouble (autour de la figure de la résistante normande Colette Marin-Catherine), et du cinéaste Thomas Kvist Christiansen (pour son documentaire consacré à Arlette Levy-Andersen, projeté à La Pokop). Alain Colas (directeur de la Bibliothèque nationale et universitaire) et Fabrice Boyer (directeur des bibliothèques et des herbiers universitaires, UCA) ont construit une intervention commune, « Bibliothèques, bibliothécaires et engagements en France ».

Nous avons aussi la chance de compter sur l'intervention de Beat Föllmi, professeur de musique sacrée et hymnologie (Unistra), sur la figure de l'artiste engagé.

Nous avons aujourd'hui la responsabilité de garder vivante la mémoire de ceux qui ont été raflés

Nous avons aujourd’hui la responsabilité de porter la mémoire de ceux qui ont été raflés, de la garder vivante. Nous avons aussi la responsabilité de nous engager et de transmettre le sens de l’engagement. Et nous ne pouvons que constater comme nos communautés universitaires s’engagent au quotidien. Ils participent activement à la vie de la cité.

A la jonction de la thématique de recherche et de l'action concrète, le thème du colloque est très transversal...

Oui, c'est ce qui fait sa force et son originalité. C'était aussi une volonté politique forte de nos deux présidents, Michel Deneken (Unistra) et Mathias Bernard (UCA), qu'il se déroule conjointement dans les deux villes. Ils seront bien sûr présents, aux côtés de délégations politiques comprenant recteurs d'académie, vice-présidents universitaires... Également des étudiants engagés des deux universités témoigneront, dont les vice-présidents étudiants Angéline Okombi (Unistra) et Mathis Napierala (UCA), mais aussi des lycéens. A Clermont-Ferrand, des visites de lieux de mémoire et de résistance sont organisées par des étudiants.

N'oublions pas les représentants d'institutions partenaires, comme le Centre culturel Jules-Isaac-Mémorial de la Shoah ou encore les jeunes de l'Institut des hautes études en défense nationale (IHEDN) ou le comité des jeunes pour la mémoire, qui ont un rôle-clé à jouer dans ce temps de mémoire.

  • Colloque « Engagé(es) et engagements », du lundi 20 au vendredi 24 novembre
  • Cérémonie commémorative samedi 25 novembre, à Clermont-Ferrand et à Strasbourg (Palais universitaire)
  • Tout le programme du 80e anniversaire

« Il n’y a pas de devoir de mémoire. Notre seul devoir, c’est d’enseigner et de transmettre »

Citation

Il n’y a pas de devoir de mémoire. Notre seul devoir, c’est d’enseigner et de transmettre. C’est convaincue de la justesse de cette pensée de Simone Veil que l’Université de Strasbourg a souhaité organiser un temps fort pour commémorer le 80e anniversaire de la rafle diligentée le 25 novembre 1943 par la Gestapo contre les étudiants et personnels de notre université repliée à Clermont-Ferrand. L'Université de Strasbourg a fait le choix d’actualiser le souvenir de cette rafle dans l’espace et le temps présents. Cela signifie concrètement une programmation éducative et culturelle, à destination des étudiants, des scolaires et de tous les publics, dans des formats variés et adaptés, qui mette en avant le parcours de celles et ceux que le nazisme a voulu réduire au silence. Évoquer la vie d’Arlette Lévy-Andersen, jouer la musique de Germaine Tillion ou montrer le visage de Jean Cavaillès, c’est briser ce silence, et engager un processus de transmission. À l’heure où les droits de l’homme et les valeurs occidentales sont remis en cause sur notre sol, cette programmation prend une urgence et un sens tout particuliers.

Mathieu Schneider, vice-président Culture, science-société et actions solidaires de l'Université de Strasbourg

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