Par Marion Riegert
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Quand l’art fissure la réalité pour faire émerger la mémoire

Refoulement, traces, fissures, mémoire… Pour sa troisième rencontre scientifique, le groupe Les traces du Centre de recherche et d’expérimentation sur l’acte artistique (Institut thématique interdisciplinaire-CREAA) propose de s’intéresser à ces thématiques dans l’art. Comment une œuvre nous transporte dans une autre réalité ou fait émerger nos propres souvenirs refoulés, nos failles individuelles ou collectives ?

Imaginez une musique qui imite le bruit d’un train en marche, l’image d’un voyage confortable émerge dans la pensée de l’auditeur… Puis, la fissure, tout bascule, le train devient celui de la déportation, via lequel des milliers de Juifs ont été menés à la mort… Cette œuvre de Steve Reich, un compositeur américain transforme un son banal faisant ainsi émerger la mémoire de la Shoah.

Les fissures font aussi réfléchir

C’est précisément cette fissure, ce basculement vers la mémoire, le refoulé, que le colloque « Trous de mémoire : traces et fissures » souhaite explorer. Sur scène, dans l’espace public, à travers le théâtre, le cinéma, la littérature, la peinture, la sculpture ou encore la musique… nous sommes aujourd’hui exposés à des œuvres qui au-delà de l’aspect esthétique, interpellent. Certaines viennent en appui du discours officiel, d’autres non. Les fissures font un peu mal mais font aussi réfléchir, sourit Beat Föllmi, chercheur au sein de l’unité de recherche Théologie protestante, co-organisateur du colloque aux côtés d’Isabelle Reck, chercheuse au sein de l’unité de recherche Culture et histoire dans l'espace roman (Cher).

Il détruit volontairement une poterie ancienne pour montrer le broyage du pouvoir chinois

Durant le colloque, une quinzaine d’interventions de chercheurs, parfois artistes, de différentes disciplines auront lieu. Évoquant notamment l’écriture théâtrale de la mémoire historique en Espagne. Ou l’art d’Ai Weiwei, un artiste chinois qui confronte l’art séculaire de la Chine impériale avec celui de la Chine actuelle. Il détruit par exemple volontairement une poterie ancienne pour montrer le broyage du pouvoir chinois, explique Beat Föllmi.

Les formes de la commémoration

L’occasion aussi de s’interroger sur les formes de la commémoration. Les deux journées seront ponctuées de moments artistiques : Pour entrer dans la démarche artistique et pas seulement parler de l’art.

Après deux premiers colloques consacrés respectivement aux violences, notamment leur mise en scène dans l’art, et à l’artiste et l’engagement, l’idée de ce troisième colloque est venue suite à la visite d’une exposition. Nous avons vu l’œuvre "Trou de mémoire" de Katia Kameli, une artiste franco-algérienne, qui met en scène un monument d’Alger datant de la période du colonialisme : "Le Grand Pavois" de Paul Landowski commémorant les morts de la Première Guerre mondiale. Coffré en 1978 par le sculpteur M’hamed Issiakhem et transformé ainsi en un monument aux héros de l’Indépendance, le béton se fissure aujourd’hui. Le titre et la force de cette image nous ont tout de suite intéressés.

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