Par Mathilde Hubert
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Paludisme à Plasmodium vivax : l’épidémie pourrait être largement sous-estimée en Afrique sub-saharienne

Des chercheurs de l’Institut de parasitologie et de pathologie tropicale de l’Université de Strasbourg et du laboratoire de Parasitologie et de mycologie médicale des Hôpitaux universitaires de Strasbourg révèlent comment Plasmodium vivax, l’un des principaux agents du paludisme, s’avère capable d’infecter des populations d’Afrique jusqu’à présent considérées comme naturellement protégées.

Le paludisme tue dans le monde près de 600 000 personnes par an, essentiellement en Afrique sub-saharienne. Les données épidémiologiques ont longtemps suggéré que Plasmodium vivax, la deuxième espèce de Plasmodium la plus fréquente derrière Plasmodium falciparum, ne pouvait infecter que les globules rouges jeunes (appelés réticulocytes) possédant à leur surface la protéine Duffy (ou DARC pour Duffy Antigen Receptor for Chimiokines). Cette particularité expliquait que les populations Duffy-négatives étaient naturellement protégées contre l’infection par Plasmodium vivax, et donc l’absence de ce parasite en Afrique sub-saharienne, où les populations sont exclusivement ou très majoritairement Duffy-négatives.

Depuis les années 2000, grâce à l’avènement de nouvelles méthodes moléculaires de diagnostic, beaucoup d’études ont révélé la capacité de Plasmodium vivax d’infecter les sujets Duffy-négatifs. Une question restait donc en suspens : comment le parasite pénètre-t ’il dans les globules rouges jeunes en l’absence de la protéine Duffy ?

Une facette méconnue de l'infection à Plasmodium vivax

Cette étude confirme que quel que soit le statut de l’hôte, Plasmodium vivax est capable de se répliquer en dehors de la circulation sanguine

Pour y répondre, l’équipe de Didier Ménard, en collaboration avec des scientifiques du King’s College London (Angleterre), de l’Institut Pasteur, de l’Institut Pasteur de Madagascar et de l’Université d’Addis Abeba, a examiné, in vitro, le processus de maturation des globules rouges. Les scientifiques ont découvert que les cellules précurseurs des globules rouges, de sujets Duffy-négatif, expriment temporairement la protéine Duffy pendant leur développement. Cependant, seule une faible proportion des cellules précurseurs qui exprime normalement la protéine Duffy (1-3%) sont susceptibles d’être infectées par Plasmodium vivax. Cette étude confirme donc que quel que soit le statut de l’hôte (Duffy positif ou négatif), Plasmodium vivax est capable de se répliquer en dehors de la circulation sanguine, dans les sites de production de globules rouges, comme la moelle osseuse ou la rate.

Au-delà de cette découverte, ces données soulèvent de nouvelles interrogations. Il est en effet possible qu'un grand nombre d'individus Duffy négatifs en Afrique sub-saharienne soit infecté par Plasmodium vivax au niveau des sites de production de globules rouges sans une présence détectable dans le sang par les méthodes de diagnostic traditionnel du paludisme (frottis mince/goutte épaisse et test de diagnostic rapide). Ce travail suggère une facette méconnue de l'infection à Plasmodium vivax et une sous-estimation de l'importance de ce parasite en Afrique sub-saharienne, déclare Didier Ménard, dernier auteur de l’étude. En conséquence, cela doit nous amener à repenser les stratégies de lutte contre ce parasite.

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