Par Marion Riegert
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Une thèse au cœur d’une des courses à pied les plus difficiles au monde

Doctorant au sein de l’unité de recherche Sport et sciences sociales, Simon Lancelevé s’intéresse à la Chartreuse Terminorum, une course « radicale » de 300 km qui sort du cadre de la pratique à laquelle il s’est lui-même confronté. Et ce à travers une thèse socio-anthropologique encadrée par Sandrine Knobé et Gilles Vieille-Marchiset et intitulée « Effort, jeu et nature : quête de résonance à travers une épreuve d'ultra trail atypique. »

La découverte de la Chartreuse Terminorum a été un choc. Par ses règles, elle renverse les codes établis, raconte Simon Lancelevé qui débute entrainement et thèse de conserve en 2019. Les deux efforts sont une course d’endurance, sourit le journaliste de formation.

300 kilomètres, 25 000 mètres de dénivelé, 80 heures… Inspirée de la Barkley Marathons, course née aux Etats-Unis en 1986, la Chartreuse Terminorum débarque en France en 2017 dans la forêt de la Grande Chartreuse. Les kilomètres sont répartis en cinq boucles devant être réalisées chacune en moins de 16 heures. C’est une course très dure, très technique, sur des sentiers oubliés. Le pied n’est jamais à plat et l’assistance est limitée au camp.

A la difficulté physique s’ajoute la difficulté mentale. Il n’y a pas de balisage, pas le droit au téléphone portable ni au GPS. Le parcours est dévoilé la veille et doit être recopié sur une carte IGN, l’horaire de départ est connu le jour même. Un jeu de piste durant lequel les participants doivent retrouver des livres cachés sur le parcours. Les coureurs doutent parfois d'être sur la bonne voie, glisse le doctorant.

Pas de processus de sélection marchand classique

Alors pourquoi participer à une telle course ? Ce n’est pas ce qui m’a le plus intéressé, je voulais plutôt étudier le "comment". J’avais envie de laisser le terrain parler en me confrontant à l’épreuve à la manière d’un ethnographe, rapporte le jeune homme.

En 2022 et 2023, il compte ainsi parmi les quarante participants, dont environ 10 à 20 % de femmes, sélectionnés chaque année sur leur palmarès mais aussi sur un essai expliquant leurs motivations. Il n’y a pas de processus de sélection marchand classique. Les participants payent 3 euros et offrent un mets local aux organisateurs (bière, liqueurs, friandises…). Ils ont un âge moyen entre 35 et 45 ans, il y a beaucoup de coureurs du cru ou des environs, mais aussi des personnes venant de l’étranger avec un profil de catégorie socio-professionnelle supérieure.

Il y a un avant et un après

Lors de ses deux participations, Simon Lancelevé parvient à effectuer un tour à chaque fois, soit tout de même quelque 60 km sans compter quelques égarements. J’y suis allé dans une optique de chercheur et non de performance. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le dialogue amorcé entre les coureurs et les épreuves. Il y a un avant et un après la première participation. Certains ont décidé d’en faire un mode de vie, ils ont changé de travail, déménagé, faisant de la course une priorité, voire une obsession.

La course est également marquée par l’entraide entre athlètes. L’idée de communauté est renforcée avec l’impression de participer à un projet collectif. Une entraide qui a permis à cinq personnes d’aller jusqu’au bout l’année dernière, une grande première. Avant, aucun coureur n’était parvenu à terminer l’épreuve. Le parcours va changer l’an prochain, pour être plus dur dans l’optique d’aller à la frontière du possible, selon les organisateurs, souligne le doctorant qui pour sa part ne renouvellera pas l’expérience mais aimerait faire un livre de sa thèse qu’il soutiendra le 21 décembre à 13 h, à la Maison interuniverstaire des sciences de l'Homme – Alsace (Misha).

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