Par Marion Riegert
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Les apprentis journalistes mettent la pression

28 étudiants des spécialités TV, radio et presse écrite du Master 2 du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (Cuej) ont participé ce mercredi 25 octobre à l’exercice Novi, nombreuses victimes. Objectif : d’un côté travailler la pression médiatique simulée pour la préfecture et l'université, de l’autre permettre aux étudiants de se confronter à un évènement extraordinaire.

13h, dans la salle de la spécialité TV, 21 étudiants répartis en binômes Journaliste reporter d’images/rédacteur sont dans les starting-block, la tension est palpable. Je suis concentrée pour ne rien oublier. Nous utilisons le matériel depuis peu, glisse Justine Le Pourhiet, étudiante.

13h24, quelques sirènes retentissent au loin, un mail contenant un tweet apparait sur les écrans. Sur la photo, une personne devant le Studium avec ce commentaire Oh putain !!! G vu un mec entrer dans le Studium, il avait un flingue et un couteau. Les étudiants se regardent. Si ça commence, le premier truc à faire c’est quoi ?!, leur lance Matthieu Poissonnet, journaliste à TF1 et enseignant associé au Cuej. Vérifier, répond un étudiant. Ok, hop on y va, go, go, go !! Va falloir être réactif !

Secours, sécurité, proches des victimes et témoins (joués par des étudiants du master de communication scientifique), préfecture, images d’ensemble… sur un tempo quasi militaire les équipes se répartissent les angles et filent sur le terrain, caméra en main.

13h30, la salle est vide. Il faut essayer d’infiltrer le périmètre, dans la vraie vie, on essayerait de le faire, martèle Matthieu Poissonnet, au téléphone, à une équipe quelques minutes plus tard.

Commencer à être relou, tout en étant gentil

15h. Aux alentours du Studium, le binôme des Julie, un peu dépité, a tout tenté. On a failli s’infiltrer par un appartement de fonction, confie Julie Revol. On a aucune information, c’est un peu trop verrouillé, on se fait balader d’interlocuteur en interlocuteur, ajoute Julie Arbouin avant de courir vers le président de l’Université de Strasbourg, Michel Deneken, qui passe à proximité.

16h, au Cuej, la plupart des binômes s’attaquent au dérushage en vue de réaliser un vrai faux JT. Avec Mathilde, on a réussi à monter sur un point haut pour prendre des images. Mais une fois descendues on s’est fait dégager par un militaire, confie Audrey Burla.

Quelques mètres plus loin, les étudiants de spécialité radio sont aussi sur le pont. Il faut décrire ce que toi tu as vu, ce que les gens ont vécu, explique Valentin Dunate, journaliste à Franceinfo, à l’étudiante partie sur le terrain. Il faut commencer à être relou, tout en étant gentil, mais en montrant ton agacement certain, lance le professeur à un autre étudiant qui n’arrive pas à obtenir des chiffres sur l’évènement.

Un direct radio

17h à la préfecture, une conférence de presse est organisée en présence d’une fausse ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, jouée par la sous-préfète, et de Michel Deneken. La parole très formatée est de rigueur et les étudiants présents un peu décontenancés. J’ai conscience que le temps de l’enquête peut être plus long que celui de l’information, souligne la politique.

17h45. On est crevés ! Sur 30 minutes de rush, seules 8 vont être gardées, glisse Julie Revol. Dans les couloirs, les étudiants de spécialité radio courent pour préparer le direct prévu à 18h pendant que Christophe Deleu accueille les invités. Ils ont fait preuve de ténacité, je ne pensais pas qu’ils auraient ces images-là, se félicite le directeur du Cuej, faisant référence au fait que des étudiants ont réussi à s'infiltrer dans la cellule des personnes impliquées et filmer discrètement.

18h10, le direct radio commence. C’est Thomas Bonnet et Elise Hulata qui s’y collent, rappelant le déroulé des évènements avant de cuisinier en direct et de manière musclée Bruno Iossif, chef du service de la communication interministérielle de la Préfecture, puis Michel Deneken. Derrière la vitre insonorisée, dans la régie, Valentin Dunate, très concentré, les guide dans leur oreillette. A noter que deux étudiants de la spécialité presse écrite multimédia ont également fait un article sur l'exercice pour le prochain News d'Ill, le magazine écrit des Master 2.

Ramener des informations mais pas au détriment du travail des enquêteurs et sans se mettre en danger

Ce sont des conditions assez exceptionnelles dans lesquelles on ne peut pas mettre les étudiants en temps normal, souligne Christophe Deleu. L’intérêt c’est de les faire travailler dans l’urgence, précise Matthieu Poissonnet. Antoine Bonin, journaliste aux Dernières nouvelles d’Alsace, qui a couvert les attentats du marché de Noël de Strasbourg (2018), insiste pour sa part sur le facteur stress des étudiants mais aussi des équipes sur le terrain. Notre travail c’est de ramener des informations mais pas au détriment du travail des enquêteurs et sans se mettre en danger, explique l'enseignant associé au Cuej.

Un exercice inédit

La veille de l’exercice, un briefing réalisé en présence de deux membres de la préfecture a permis de faire un point sur la gestion de crise et de présenter aux étudiants l’exercice, sans toutefois leur dévoiler trop d’informations. Il s’agit d’un évènement générant de nombreuses victimes sur un site du campus de l’Université de Strasbourg, rappelle Thibaut Bucher, chef du service interministériel de défense et de protection civile de la préfecture du Bas-Rhin.

Vous allez vivre une expérience pédagogique extrêmement rare qui n’est jamais arrivée au Cuej. J’espère que vous n’y prendrez pas trop goût, sourit pour sa part Christophe Deleu. Ce n’est pas souvent que nous pouvons travailler ces questions. On se rajoute de la contrainte en vous sollicitant, pour voir comment les forces sur le terrain interagissent avec vous… Si elles tiennent les zones sécurisées. L’idée n’étant pas de jouer au chat et à la souris, ajoute Thibaut Bucher.

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