Par Marion Riegert
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IXPE lève le voile sur les jets de matière des trous noirs supermassifs

Trous noirs, étoiles à neutrons, pulsars… les objets massifs de l’univers restent encore bien mystérieux. Pour en apprendre plus, des astrophysiciens se sont penchés sur la polarisation des rayons X grâce à l’Imaging X-ray Polarimetry Explorer (IXPE), un nouveau satellite de la Nasa et de l’Agence spatiale italienne. Une première découverte a été réalisée aux abords d’un trou noir géant extragalactique. Frédéric Marin, chercheur à l’Observatoire astronomique de Strasbourg, spécialiste des trous noirs et membre de la mission, nous en dit plus.

Direction la galaxie Markarian 501 qui abrite un blazar, un trou noir supermassif émettant un jet de matière dans notre direction. Les trous noirs attirent et avalent la matière, mais toute la matière ne tombe pas à l’intérieur. Il peut y avoir des éjections dans les deux sens, vers le haut et le bas. Comme si sur terre, une fontaine d’eau de deux mètres de rayon avait un jet d’eau qui partirait en hauteur sur 20 millions de kilomètres. Physiquement, les chercheurs ne comprenaient pas comment la nature permet d’éjecter si loin de la matière à des vitesses proches de celle de la lumière, détaille Frédéric Marin, seul français de l’aventure.

La signature de la gravité et des champs magnétiques

Grâce à la mesure de la polarisation des rayons X, le mystère est en partie levé. Nous avons observé le blazar en ondes radios, optiques et en rayons X. La polarisation, c’est la direction moyenne du champ électrique des ondes électromagnétiques qui composent la lumière. Elle permet de voir la signature des effets gravitationnels et des champs magnétiques et leur direction, souligne Frédéric Marin qui précise que sa mesure nécessite plusieurs jours de temps de pause.

Les astrophysiciens ont ainsi découvert que la lumière des rayons X est plus polarisée que dans l'optique, qui est elle-même plus fortement polarisée qu’en radio. Dans le même temps, l'orientation de la lumière polarisée est la même des ondes radio aux rayons X et alignée avec la direction du jet sur le ciel.

Le modèle des ondes de choc

Des résultats qui indiquent la présence d’un phénomène physique. Nous avons utilisé nos cerveaux et des modèles. Il en existait cinq concurrents depuis 40 ans. Un seul, celui des ondes de choc permet de reproduire cet état. Dans les jets de matière, les particules sont accélérées par les effets du choc qui vont chauffer la matière et engendrer l’émission de rayons X immédiatement après avoir quitté la zone de choc, tandis qu'elles émettent de la lumière optique et radio à mesure qu'elles s'éloignent.

Des applications en physique nucléaire

Une première pièce du puzzle. IXPE observera d’autres blazars durant les deux prochaines années pour voir si les résultats sont similaires. Dans une perspective interdisciplinaire, la découverte pourrait permettre des avancées dans le domaine de la fusion. Déterminer comment accélérer magnétiquement la matière jusqu’à des vitesses relativistes. Je pense à des applications en physique nucléaire où les chercheurs s’interrogent sur le comportement de la matière dans un champ magnétique extrêmement élevé.

Le satellite IXPE en bref

Financé par la Nasa, l’Imaging X-ray Polarimetry Explorer (IXPE) est porté par un consortium privé américain avec un détecteur fourni par l’Agence spatiale italienne. Sans oublier la participation d’experts internationaux sur des domaines précis à l’image de Frédéric Marin pour son expertise en matière de trous noirs supermassifs.

IXPE, dont la mission a débuté le 9 décembre 2021, est le premier satellite capable de mesurer la polarisation de la lumière dans les rayons X avec une précision inédite. Nous n’avons jamais observé le ciel de cette manière dans l’histoire de l’astronomie. La polarisation est la propriété de la lumière la moins utilisée en astrophysique alors qu’elle est fondamentale.

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