Par Marion Riegert
Temps de lecture :

Campagne d’été en Antarctique de l’Eost : « On est vraiment sur la Lune »

Chaque année, à l’occasion de sa campagne d’été en Antarctique, l’École et observatoire des sciences de la terre (EOST) envoie une équipe sur place afin d’effectuer la maintenance des observatoires sismologiques et magnétiques qu’elle supervise et ainsi maintenir la continuité des mesures. Explications avec Dimitri Zigone et Aude Chambodut, partis en décembre pour un peu plus de deux mois en Terre Adélie.

Après un périple d’une semaine pour Dimitri Zigone, responsable des observatoires sismologiques globaux de l'Eost (Service national d'observation Geoscope) et d’une quinzaine de jours pour Aude Chambodut, responsable des observatoires magnétiques austraux de l'Eost (SNO BCMT), les deux chercheurs se retrouvent à la station Dumont-d'Urville où ils logent. Sur cette côte, le jour n’a jamais de fin et les températures oscillent entre 5 et moins 15 degrés avec parfois beaucoup de vent et des épisodes neigeux.

On sait quand on part mais on ne sait pas quand on arrive. Pendant le Covid, j’ai dû attendre 15 jours une fenêtre météo favorable pour aller de l’Australie en Antarctique, qui se sont cumulés à 15 jours de confinement sur place avant de pouvoir débuter mon travail, confie Aude Chambodut qui a arrêté de compter ses missions depuis sa première campagne en 2008.

 Il fait tellement froid, qu’il n’y a aucun animal

Variomètre, magnétomètre, sismomètre… les chercheurs ont pour mission de vérifier les instruments installés sur la station Dumont-d'Urville mais aussi sur un autre site plus enclavé, celui de Concordia où la température peut descendre à moins 40 degrés, voire moins 55 dans les caves où sont installés les instruments. Il fait tellement froid, qu’il n’y a aucun animal, aucun insecte, rien, on est vraiment sur la lune, confie Dimitri Zigone pour qui il s’agit de la troisième campagne.

Il a fallu trouver des solutions techniques au fil des années pour s’adapter

Au-delà des appareils en eux-mêmes, ils doivent aussi veiller à l’état de santé global de l’environnement des instruments. Etanchéité du lieu où ils sont installés. Température, pression, courant électrique…, détaille Dimitri Zigone évoquant des appareils qui ne sont pas conçus initialement pour ces températures. Les câbles deviennent rigides, cassent, les connecteurs mécaniques se rétractent, il a fallu trouver des solutions techniques au fil des années pour s’adapter.

Du niveau de la mer au Mont Blanc

Et il n’y a pas que le matériel qui souffre. Parfois, nous devons toucher les instruments à mains nues. Il faut faire très attention, les pieds et les mains se refroidissent très vite, nous devons remonter des abris toutes les 20 minutes, poursuit Dimitri Zigone. Il y aussi l’altitude, à Concordia, le ressenti est d’environ 4 000 mètres. Entre les deux stations, c’est comme si on passait du niveau de la mer au Mont Blanc, raconte Aude Chambodut qui précise que dans leur périple, ils doivent faire attention à ne pas déranger la faune locale. Nous faisons tout à pied, sans bruit, en concertation avec les biologistes présents sur place.

une obligation de fournir des données en temps réel

Toutes les mesures sont intégrées aux réseaux internationaux avec différents objectifs : comprendre la grande structure du centre de la Terre pour étudier le noyau terrestre, ou plus largement comprendre les interactions Soleil-Terre. Mais aussi observer et surveiller les grands tremblements de terre particulièrement dans l’hémisphère sud. Dans un aspect plus opérationnel, nous participons également aux réseaux d’alerte tsunami et aux orages magnétiques. Nous avons une obligation de fournir des données en temps réel, souligne Dimitri Zigone qui bénéficie avec sa consœur d’un statut un peu particulier. Nous sommes des chercheurs-observateurs-enseignants dont 30% du temps est dédié à des tâches de service et de pilotage des observatoires.

Des invités de marque

L’Eost dispose d’une expertise en milieu polaire depuis 40 ans. Sur place, au-delà du maintien des installations, les chercheurs doivent aussi former le personnel qui réalisera l’entretien tout au long de l’année. Sans oublier de présenter leur métier à des visiteurs de marque. Cette année, notre mission s'est déroulée en présence de Nathalie Metzler, directrice adjointe de l’Institut polaire français, d’Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur des pôles et des enjeux maritimes, et Thomas Pesquet, astronaute de l’Agence spatiale européenne. À Dumont d’Urville, nous avons aussi échangé avec Clémence Guetté et Jimmy Pahun, parlementaires, co-présidents du groupe d’études sur les enjeux polaires à l’Assemblée nationale. Ces échanges nous permettent d'expliquer aux décideurs l'intérêt des observatoires géophysiques aux hautes latitudes, racontent les deux chercheurs.

Catégories

Catégories associées à l'article :

Mots-clés

Mots-clés associés à l'article :

Changer d'article