Par Zoé Charef
Temps de lecture :

La découverte de traces de produits laitiers datant de 7 500 ans bouleverse les connaissances du néolithique dans les Pyrénées

Les populations montagnardes consommaient-elles des produits laitiers plus tôt que ce que l’on pensait jusqu’à présent ? C’est ce qu'une étude archéologique menée par les universités de Strasbourg, Barcelone et Saragosse semble prouver. Nàdia Tarifa, chercheuse à l’Institut d’ethnologie de l’Université de Strasbourg, nous présente les résultats de cette recherche.

Alors que de nombreuses études concluaient que les populations néolithiques étaient intolérantes au lactose, un article publié le 11 juin 2024 dans la revue scientifique Archeological and Anthropological Sciences en atteste autrement. Grâce à l’analyse morphologique, chimique et isotopique du carbone stable de résidus organiques provenant de poteries en céramique, les chercheurs des universités de Strasbourg, Saragosse et Barcelone ont en effet découvert que les premiers agriculteurs des Pyrénées centrales transformaient et consommaient des produits laitiers il y a environ 7 500 ans.

Preuves concrètes

Les produits laitiers étaient consommés dès le début de la domestication animale

Sources précieuses d’informations sur les habitudes culinaires et les pratiques de subsistance des sociétés passées, ces poteries ont livré leurs secrets. Nàdia Tarifa, archéologue, chercheuse à l’Université de Strasbourg et auteure principale de l’étude, nous explique : Nous savions déjà qu’il existait des pratiques de sacrifice d’animaux suggérant une exploitation animale laitière dans les régions montagneuses. Mais nous en avons maintenant des preuves concrètes ! Nous pensons que les habitants pouvaient traire le lait et le transformer en yaourt ou kéfir pour le rendre plus digeste.

Au-delà de la consommation, l’étude révèle qu’il y avait une transformation et un stockage conséquents de lait dans les différentes poteries. Notre travail a aussi pû démontrer que les produits laitiers étaient consommés avant l’Âge de bronze (entre - 2 200 et - 800 avant Jésus-Christ en Europe), contrairement à ce que l’on pensait jusqu’à présent, poursuit Nàdia Tarifa. La consommation remonterait en fait au Néolithique ancien (entre - 6 000 à - 2 300 avant J.-C. en Europe), soit dès le début de la domestication animale.

Une économie basée sur l’élevage et l’agriculture intégrés

Les chercheurs doutaient par la même occasion de la présence de cochons et de sangliers à 1 300 mètres d’altitude sur le site d’archéologie d’Espluga de la Puyascada (La Fueva) en Espagne. Ce n’est pas facile de maintenir une exploitation animale toute l’année dans ces écosystèmes avec des conditions climatiques compliquées, admet la chercheuse. Cependant, l’analyse des céramiques révèle la présence de graisses animales – plus précisément de porc. Cela nous amène à penser qu’il y avait des échanges entre cette population de montagne et celles des vallées, en plus de la chasse au sanglier. Nous pensons que cette population se consacrait à l’élevage ovin et caprin pendant les périodes les plus clémentes de l’année et en profitaient pour utiliser ce que ces animaux pouvaient produire.

En offrant un tel éclairage sur leurs modes de vie et leur économie, cette étude établit qu’il existait dans la région pyrénéenne une économie mixte basée sur l’agriculture et l’élevage intégrés des ovins et des caprins, l’un soutenant l’autre, lit-on dans le rapport des chercheurs. L’utilisation de la poterie était donc liée à l’exploitation de produits laitiers et de viande.

De telles avancées scientifiques ouvrent de nouvelles voies de recherche pour approfondir notre compréhension des dynamiques sociales et alimentaires des sociétés montagnardes anciennes.

Catégories

Catégories associées à l'article :

Mots-clés

Mots-clés associés à l'article :

Changer d'article