Par Elsa Collobert
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Valse de fin pour l’Harmonie Communale à Strasbourg

Après "Olivier Masson doit-il mourir ?" (2 mars) et "La peur" (4 mars), François Hien et sa compagnie jouent leur spectacle "L’affaire Correra", ce jeudi 10 mars. La représentation clôture quinze jours de présence à Strasbourg, au contact des étudiants et des habitants, point final d’une résidence de deux ans. Au cœur de la démarche artistique : faire naître le débat, de la rencontre et de la confrontation avec l’actualité.

Une salariée de crèche licenciée pour avoir porté un foulard islamique (affaire Baby-Loup). Des familles qui s’affrontent autour d’un proche en soins palliatif (affaire Vincent Lambert). Une Église secouée par des affaires de pédophilie volontairement étouffées, des victimes détruites (affaire Barbarin).

Autant de décors pour les pièces de l’auteur, metteur en scène et comédien François Hien. Qui ne s’y réduisent pourtant pas. « Le point de départ des histoires que j’écris, et qui sont ensuite mises en scène par ma compagnie, l’Harmonie Communale, est toujours la fiction. Le ressort dramatique s’articule autour d’une émotion, de ce qui me touche. »

Histoire singulière

Olivier Masson doit-il mourir, première pièce du triptyque proposé depuis le 2 mars à La Pokop, à l'invitation du Service universitaire de l'action culturelle (Suac), met ainsi en scène, comme toutes les autres, une histoire singulière. « Avec pour toile de fond la question de l’euthanasie, mais ce n’est pas le sujet de la pièce. » Même si François Hien reconnaît « puiser son inspiration dans l’actualité, influence de ma formation de documentariste », il se défend de faire « du théâtre documentaire. Nous aimons croire que le théâtre peut donner du sens, s'attaquer aux sujets les plus embrouillés et les éclairer ».

« Nous croyons à la possibilité d'un théâtre de réconciliation, poursuit l’auteur. Cela s'obtient par un travail précis et documenté, où chacun se reconnaît, se sent reconnu, et consent à se laisser déplacer. » Pour cela, la compagnie sort dès qu’elle le peut des murs des théâtres, pour aller à la rencontre des premiers concernés par les sujets de ses pièces. En 2020, premier volet de sa résidence à l’Université de Strasbourg, c’est face à un public d’étudiants et d’enseignants qu’était abordée frontalement la question des rapports de domination, y compris sexuels, entre une étudiante et son directeur de thèse. Consentement, zone grise, culture du viol… Toutes ces notions avaient alors fait l’objet de débats et de vives réactions parmi le public.

Pour L’Affaire Correra, représentée jeudi 10 mars, qui s’attache à suivre la résistance farouche d’une habitante – Madame Correra – refusant de quitter son logement, dans un quartier en pleine rénovation urbaine, des rencontres et débats ont été organisés dans des centres socio-culturels, des établissements scolaires du quartier. « A chaque spectacle, son dispositif, sa mini-forme, unique. » Pour L’Affaire Correra, il s’agit de représenter les trois premiers quarts d’heure, dans une mise en scène dépouillée à l’extrême – cinq chaises, pour autant de comédiens.

A la lisière « du théâtre et de l'éducation populaire »

« Cette idée de se confronter directement avec le public, de provoquer la rencontre, est parti du constat qu’il n’était pas naturel pour tous les publics de se rendre au théâtre. Nous voulons que notre théâtre soit accueillant, que personne ne s'y sente mal à l'aise parce qu'il serait entré avec la mauvaise opinion, ou sans le bagage culturel suffisant », précise François Hien, qui reconnaît évoluer « à la lisière entre théâtre et éducation populaire ». Bien plus que de simples « dispositifs de médiation, ces présentations en forme allégée viennent nourrir en retour l’écriture théâtrale : les salles ne sont pas plongées dans le noir, on voit les réactions du public, comment ils interagissent entre eux. Cette conviction s’est encore renforcée avec le confinement, quand nous ne pouvions plus jouer dans des salles ».

Le dernier spectacle écrit par François Hien, La peur, en 2020 a fait l’objet de rencontres, dont l'une organisée sous l’égide de la Faculté de théologie catholique, avec des prêtres, des religieuses, des séminaristes et des victimes de pédophilie. « Au final, les trois pièces présentées à Strasbourg n’avaient pas été conçues comme un bloc. Mais du fait des représentations raprochées, certains étudiants sont venus aux deux premières représentations, et des connexions se créent, c'est très intéressant. » D'autres rencontres avait été organisées au préalable, avec des étudiants de Sciences Po Strasbourg (autour de la pièce Olivier Masson doit-il mourir ?) et d'autres de l'Ecole nationale supérieure d'architecture de Strasbourg (autour de la pièce L'Affaire Correra).

A la fois exigent et accessible : le théâtre de L'Harmonie Communale est fidèle à l’esprit de la création de La Pokop. La compagnie, qui jouera prochainement au Théâtre national populaire de Villeurbanne (creuset des idéaux de Jean Vilar !), vous invite à venir investir les lieux, encore imprégnés de l’odeur du neuf !

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