Par Elsa Collobert
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Pédagogie, légitimité, visibilité : savant mix pour une résidence

Du 9 au 11 octobre, La Pokop a vibré à un rythme oscillant entre 120 et 140 BPM : celui de la musique électronique de la DJ Louise Pétrouchka. À l’invitation d'étudiantes du master Arts de la scène et du spectacle vivant, l’artiste était au cœur d’une résidence engagée, « Madame aux platines », déclinée en trois temps : ateliers, soirée et table ronde.

L’idée du projet est née d’un constat commun : celui du manque de références féminines quand on allait en soirée.  À partir de cette double observation (absence de femmes et minorités de genre derrière les platines, et leurs propres barrières à la pratique du DJing), d’une passion commune pour la house dance et de nombreuses discussions, Océane Petit et Maud Retourné ont construit la résidence Madame aux platines. L’envie, aussi, de travailler autour du contexte de la fête, constitutif de la vie étudiante .

« J'étais en retrait. Maintenant, je me sens plus légitime »

Mission accomplie, si l’on en croit le témoignage de Lily, l’une des huit apprenties-DJ de l’atelier : C’est souvent le premier pas qui est le plus difficile. J’avais déjà eu l’occasion de m’initier au mix, au DanemarkFérue de culture club et ex-barmaid en boîte de nuit, l’étudiante en études européennes à Sciences Po Strasbourg reconnaît toutefois : Pourtant, j’étais en retrait. Grâce à l’atelier, je me sens maintenant plus légitime.

Esprit festif libre et respectueux

Sélectionné parmi plusieurs projets de leur master parcours Médiations, territoires et relations avec les publics1, le projet Madame aux platines a bénéficié de la présence de Louise Pétrouchka. Nous avons souhaité inviter cette DJ indépendante, basée à Paris, car l’esprit festif libre et respectueux qu’elle promeut colle parfaitement avec la philosophie de notre projet, explique Océane. « Nous l'avons découverte via son podcast. » Contactée sur Instagram, Louise accepte la proposition, notamment parce que l’idée de transmission est essentielle dans sa démarche : J’ai commencé à mixer il y a huit ans, initiée par un ami. À peine un an plus tard, j’apprenais à des amies à mixer, d’abord dans un cadre personnel, puis j’ai même fini par créer une association, pour essaimer davantage.

Maud ajoute : Le programme de la résidence a été pensé pour un cadre universitaire : il y a l’idée de transmission, avec les ateliers assurés par Louise à La Pokop, dont ont bénéficié huit étudiantes . Sur inscription, ceux-ci étaient inscrits au programme du Service universitaire de l’action culturelle (Suac). Mais aussi une tonalité plus réflexive, à travers la table ronde consacrée à la question de la place des femmes et minorités de genre dans les musiques électroniques, qui s’est déroulée vendredi 112. Notre souhait : déconstruire certains présupposés, amener à se questionner. 

En confiance

Grâce au financement du Suac, quatre consoles de mixage ont pu être louées pour les ateliers, pour apprendre à maîtriser ces ordis qui peuvent faire peur au premier abord, avec tous leurs boutons (dixit Louise). Lily a particulièrement apprécié : On sentait que le projet s’était donné les moyens de ses ambitions : on était à deux par console, c’était royal. Encore mieux que ce que j’avais espéré en m’inscrivant ! 

À l’issue des deux séances d’atelier mixage, chacun·e des participant·e·s s’est produite sur la scène de la Pokop, à tour de rôle, le vendredi soir, avant de céder la main aux « pros » : Louise Pétrouchka et un collectif strasbourgeois invité, Menthe poivrée. Leurs playlists ont été accordées, pour une même tonalité, au-delà des différences des styles qui peuvent s’exprimer, explique Louise, qui a ainsi pu leur expliquer comment se construit un DJ set. La volonté de se produire sur scène a fait partie des critères de sélection pour la participation aux ateliers, qui ont affiché complet , soulignent Océane et Maud. Louise abonde : C’est bien de mixer dans sa chambre. Mais c’est encore mieux de le faire face à un public, c’est dans l’ADN du DJing . Lily, qui ne dit pas le contraire, s’est sentie en confiance, grâce au travail en groupe mené les deux jours précédents. Et aussi parce que le public était constitué d’amis, ils étaient super gentils, leurs applaudissements nous ont portées ! 

1 Master Arts de la scène et du spectacle vivant (Faculté des arts)
2 Autour de la musicologue Salomé Coq, de la productrice Shônagon et de DJ Daddy iencli (représentant les collectifs Incisifves et Wom.x)

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