Par Elsa Collobert
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Lancement du prix Louise-Weiss : « Inviter d’autres imaginaires à s’exprimer »

La 12e édition du concours d’écriture étudiant a été lancée lundi 21 octobre, dans le cadre particulier de l’événement Strasbourg Capitale mondiale du livre et en présence de son parrain, le poète Jean D’Amérique. Le concours s’ouvre cette année à une nouvelle langue : l’arabe. Avec un thème d’une apparente simplicité : « Au bord ».

Voilà, chers étudiantes et étudiants, des matières pour allumer vos feux, pour remplir des pages et déborder les marges.  C’est avec une invitation sous forme de poème que Jean D’Amérique a annoncé le thème du concours Louise-Weiss d’écriture, qu’il parraine : « Au bord ». Un thème en apparence simple, mais j’y vois plein de possibilités, de mondes se dessiner et de sentiers à inventer. J’y entends une musique, une mélodie. 

Né en Haïti il y a bientôt 30 ans – ce qui fait de lui d’un des plus jeunes parrains du prix – il mêle ses colères et sa langue incandescente dans une œuvre polymorphe – rap, slam, théâtre, roman… Donnant ainsi une voix aux invisibilisés.

Porteurs de flamme

« La résidence a vocation à faire dialoguer les voix du monde entier »

Nous l’accueillons dans le cadre de cette édition très spéciale du prix , a souligné l’enseignante Victoire Feuillebois. Jean D’Amérique sera ainsi présent à Strasbourg à la fois comme parrain du prix Louise-Weiss, lauréat de la résidence « Écrire l’Europe » et aux côtés des huit auteurs et autrices dans le cadre de l’Académie des écrivains, sur le thème des droits humains, fin novembre prochain. Nous avons cette année fait une entorse à nos règles d’accueil de la résidence, circonscrite habituellement à l’Europe : celle-ci a vocation à faire dialoguer les voix du monde entier, en particulier en cette année où le livre et les écrivains rayonnent particulièrement depuis Strasbourg. 

Nos parrains et marraines sont nos porteurs de flammes , a souligné Sylvain Diaz, directeur du Service universitaire de l’action culturelle (Suac), qui porte la résidence aux côtés de plusieurs partenaires*, établissant un parallèle entre le concours et les Jeux olympiques.

Les étudiants sont, à parité avec des auteurs, membres des jurys de sélection des textes : Un prix littéraire par et pour eux, a tenu à rappeler l’enseignant Pascal Maillard, avant de donner la parole aux lauréats 2024 afin qu’ils présentent leurs textes. Tous sont édités dans un recueil qui vient de paraître aux Presses universitaires de Strasbourg (PUS).

Une interview du parrain, Jean D’Amérique, sous forme de litanie de mots

Forme « Je trimballe partout un carnet dans lequel je note les sensations du réel, des vibrations qui me happent, me traversent. C’est en me relisant que l’envie de déployer tel ou tel fil s’impose. Ces jaillissements prennent alors une forme - poème, roman, pièce de théâtre… mais jamais prédéfinie au départ. Je passe alors à l’ordinateur, mais parfois je ressens le besoin de revenir au côté organique de l’écriture manuscrite.
J’ai besoin de beaucoup expérimenter, de jouer avec les formes. Je cherche toujours à renouveler ma manière d’aborder les genres, je ne veux surtout pas m’enfermer dans une recette, une manière de faire. »

Engagement « J’utilise pas mal les réseaux sociaux, mais pas pour partager mes créations artistiques. Celles-ci mettent du temps à prendre forme. En revanche, ils peuvent m’être utiles pour partager des actualités ou, à l’occasion, comme une tribune pour certains engagements. »

Influences « Des premières lectures à aujourd’hui, beaucoup d’auteurs ont marqué ma vie, et pas seulement au niveau littéraire. Les mots qu’ils emploient me touchent, je m’y reconnais dans leur manière d’englober les grandes blessures du monde, et en arrivant malgré tout à en titrer un élan d’espoir : les Haïtiens Jacques Stephen Alexis, Frankétienne, Marie Vieux-Chauvet ; Kateb Yacine, Mahmoud Darwish, Toni Morrison, Alejandra Pizarnik… »

Langue « Ça me plaît que le prix Louise-Weiss soit ouvert à plusieurs langues. Dans l’idéal, il faudrait même qu’il le soit davantage. Les langues sont des outils. En les dépassant, la littérature permet d’inventer d’autres langues à l’intérieur de celle que l’on parle tous les jours. C’est cette richesse que permettent les langues : inviter d’autres imaginaires à s’exprimer. Inviter les étudiantes et les étudiants à écrire en français, mais aussi en anglais et en arabe, c’est leur permettre d’exprimer leur imaginaire dans la langue de leur choix.
Pour ma part, j’écris en français avec l’imaginaire du créole haïtien, ma langue maternelle. Je navigue entre les deux. »

Parrain « Mon premier texte publié, il y a 10 ans (j’avais 20 ans) l’a été suite à la participation à un prix littéraire. A 20 ans, j’avais alors obtenu la mention spéciale au prix René Philoctète, en Haïti, où je suis né et ai grandi.
J’écarte toute idée de compétition dans la participation à un prix. Mais cela offre la chance d’avoir son texte lu, partagé, d’élargir son audience. A l’époque, je venais de la scène, du slam. C’est un prétexte pour creuser son écriture, aller plus loin. »

Politique « Je ne sais pas si toute littérature est politique, mais en tous cas j’espère que la mienne l’est. En vivant dans une société, en s’inscrivant dans un collectif, on ne peut pas avancer seul sans se sentir concerné. En avoir conscience, c’est déjà politique.
En faisant le choix de publier ce que j’écris, j’endosse une responsabilité, la possibilité d’influencer ceux qui me lisent, de faire germer des idées en eux. »

Strasbourg « Comme tous les lieux que je découvre, les villes où j’ai pu être en résidence, je compte bien m’approcher au plus près de l’âme de la ville, en arrivant avec ma fenêtre ouverte, le cœur vierge.
J’ai accepté la proposition de l’université car j’ai eu l’impression que les thématiques évoquées résonnent avec mon travail, et j’ai senti la sincérité de la démarche des organisateurs. »

* Proposé par la Faculté des langues et la Faculté des lettres de l’Université de Strasbourg, avec la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, Écrire l’Europe - Prix Louise-Weiss est porté par le Service universitaire de l’action culturelle avec le soutien de la Drac Grand Est et de la Maison d'édition scientifique - Presses Universitaires de Strasbourg, en collaboration avec le Service des Bibliothèques de l'université, l’Institut européen des métiers de la traduction (IEMT), l'Institut thématique interdisciplinaire Lethica et les Musée et Ville de Saverne

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