Par Elsa Collobert
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« Nourrir l'université du travail et de la réflexion des artistes »

Cinéastes, plasticiens, chorégraphes, danseurs... L'Université de Strasbourg a fait de l'invitation d'artistes un marqueur fort de son identité et de sa politique culturelle. Cela se concrétise par l'organisation de nombreuses résidences et, depuis peu, l’accueil d'un « artiste associé », dispositif unique dans une université française, explique Sylvain Diaz, directeur du Service universitaire de l'action culturelle (Suac).

Tout commence en 1995, dans la foulée de la création de la Carte culture, trois ans plus tôt. En marge du tournage de son film 'The pillow book' au Luxembourg, le plasticien et cinéaste Peter Greenaway propose aux étudiants de l'Université Marc-Bloch des ateliers. Ils ont même la chance de pouvoir assister au tournage !

Plusieurs temps-forts avec de grands noms de la scène artistique s'égrènent ensuite : les cinéastes Mickael Haneke (2009), Abbas Kiarostami (2013), Werner Herzog (2014) ou encore le plasticien David Diao (2014), l'auteur Wajdi Mouawad (2016) ou, plus récemment, la chorégraphe Mathilde Monnier (2020). De véritables "stars" à l'Université de Strasbourg !

Artistes émergents et temps long

Ces dernières années, nous avons décidé de quelque peu infléchir cette direction, qui ne permettait pas de proposer de véritables rencontres, approfondies, entre artistes et étudiants. Nous avons fait le choix de travailler plutôt avec des artistes émergents pour impulser d'autres modes d’échange, davantage sur le temps long propice à la création artistique. Cela permet aussi de toucher davantage d'étudiants. Parmi ces derniers, la présence pour un projet de création autour de Rimbaud du metteur en scène Charlie Droesch Du Cerceau et de la chorégraphe Roshanak Morrowatian à la Misha à l’automne 2020.

Travailler avec des artistes émergents pour impulser d'autres modes d’échange

En plus des formats proposés par le Suac, les étudiants eux-mêmes conçoivent désormais de vraies résidences : c'est ce qu'il s'est passé avec le cycle consacré à Léopoldine HH, imaginé en 2021 par des étudiantes dans le cadre de leur formation en médiation culturelle. Cette année, les résidences de la jeune diplômée de la Haute école des arts du Rhin (Hear) Camille Nozay et du danseur et chorégraphe François Lamargot (lire encadrés) sont conçues sur le même principe. Cela fait aussi partie des missions du Suac de former de futurs professionnels de la culture ! Le mode de financement de ces résidences par la Contribution vie étudiante et de campus (CVEC) permet aussi ce travail de conception avec les étudiants.

Aller plus loin en créant le statut d'artiste associé

Partant du constat que l'artiste a toute sa place à l'université, lieu d'expérimentation et d'invention par excellence, nous avons souhaité aller plus loin en créant le statut d'artiste associé à l'université.

C'est François Hien et sa compagnie l'Harmonie communale qui a inauguré le premier le dispositif. De façon intermittente, pendant deux ans, il est venu habiter notre campus. Malheureusement, ses formidables propositions n'ont pas connu le rayonnement qu'elles auraient dû en raison de la crise du Covid.

L'artiste a toute sa place à l'université, lieu d'expérimentation et d'invention par excellence

A partir de cette rentrée et de nouveau pour deux ans, Geoffrey Rouge-Carrassat, auteur, comédien et metteur en scène, prend le relais, avec une proposition articulée autour de la thématique du jeu, qui est aussi celle de la programmation du Suac cette année. Cela faisait particulièrement sens de le lui proposer, car il est à la fois un praticien et un théoricien du théâtre : il est actuellement doctorant au Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD) et expérimente différents protocoles de jeu. Vous ne verrez jamais deux fois un même spectacle de lui !

L'idée est de mener avec l'artiste un travail infusant toutes les strates de l'université : formation, recherche, médiation culturelle, programmation artistique. À destination des étudiants comme des personnels universitaires.

Trois artistes pour une année universitaire

Cette année, pas moins de trois artistes prendront leurs quartiers à l'Université de Strasbourg : deux seront en résidence, l'un est artiste associé pour deux ans.

Geoffrey Rouge-Carrassat, artiste associé pour les deux prochaines saisons

Auteur, metteur en scène et acteur, il se propose d'aborder le "jeu" à la fois dans et par le processus d'écriture et le dispositif théâtral, en visitant l'enfance, l'énigme, la spontanéité, la rencontre et l'écart... avec la règle.

Metteur en scène et interprète de trois seuls en scène remarqués (Conseil de classe, Roi du silence et Dépôt de bilan), il est titulaire du diplôme d'Etat de professeur de théâtre et d'un master de création littéraire. Déjà présent à l'Université de Strasbourg en septembre 2021, il est de retour pour un compagnonnage de deux ans. Il rythmera l'année 2022-2023 de ses invitations (Guten Tag Madame Merkel, spectacle d'Anna Fournier ; "Entre le ciel et moi", laboratoire d'Emmanuel Besnault) et livrera son travail le plus abouti, Gilgamesh Variations, fin mai 2023.

Camille Nozay, en résidence du 3 au 14 octobre

Diplômée en 2020 de la Haute école des arts du Rhin (Hear) Mulhouse en design textile, Camille Nozay est artiste plasticienne et textile. Elle vit et travaille à Strasbourg.
"Comment le textile nous lie, nous porte et constitue un élément fort de significations dans notre société ?" C’est la question soulevée par l’équipe étudiante en master Approches des politiques des arts de la scène et de leur médiation (Apam), organisatrice de « Vêtu.e.s Grandeur Nature » et de cette résidence, dans le but de nourrir cette réflexion.

Elle invite les étudiants à concevoir une œuvre-vêtement collective et performative. Une table-ronde détricotera aussi les liens entre art et écologie. Un étal de la friperie Le Léopard illustrera notre rapport à la consommation et à l'utilisation de la matière tissée.

François Lamargot, du 25 au 29 novembre

A l'invitation d'un groupe d'étudiantes en arts, le danseur et chorégraphe François Lamargot s'installe cet automne sur le campus pour faire dialoguer danses urbaines et théâtre. Il présentera son processus de création au carrefour de plusieurs formes artistiques : danse hip-hop, danse contemporaine et théâtre. Au gré de différents temps de rencontre, de réflexion et de jeu, il s'agira d'explorer son approche singulière : table-ronde, workshop, jeux d'improvisation et impromptus laisseront place à une soirée festive, loufoque et burlesque en clôture de résidence. Sous forme d'une jam session d'improvisation dansée et participative, guidée par François Lamargot, l'expression libre du corps, du visage et de la parole seront les maîtres-mots.

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