Par Edern Apperé et Philippe Ruhlmann
Temps de lecture :

« Notre rôle est de mettre les enseignants-chercheurs dans les meilleures conditions possibles »

Rémi Barillon entame un second mandat en tant que vice-président Recherche, Formation doctorale et Science ouverte de l’Université de Strasbourg. Il répond à nos questions sur les priorités et les enjeux de ce nouveau mandat.

Quelles vont être les grandes lignes de la politique recherche pour ce nouveau mandat ? 

Nous allons continuer à favoriser l’interdisciplinarité, sans oublier d’œuvrer au niveau disciplinaire. Nous souhaitons, avec nos partenaires du CNRS et de l’Inserm, que les Instituts thématiques interdisciplinaires (ITI) soient au plus proche des besoins des scientifiques, que les chercheurs s’en saisissent, car tout le monde ne travaille pas de la même manière. Nous allons réfléchir avec les élus des conseils centraux, mais aussi avec les unités de recherche et les composantes, à l’avenir des ITI.

Pour avoir un maximum d’impact, nous allons axer notre politique sur l'Europe, avec Eucor – le campus européen, et l’alliance Epicur

Un autre axe qui nous mobilise est le développement des partenariats internationaux. Ces collaborations naissent principalement sur le terrain, entre chercheurs, dans les unités. Il est important de nouer des liens avec un maximum de pays. Nous sommes déjà présents sur tous les continents mais, pour avoir un maximum d’impact, nous allons axer notre politique sur l'Europe, avec Eucor – le campus européen, et l’alliance Epicur. Il faut aussi continuer notre coopération avec le Japon : nous avons déjà plus de 20 conventions avec des universités japonaises, grâce notamment à la Maison universitaire France-Japon, structure unique en France.

Enfin, nous prenons très au sérieux les enjeux scientifiques de demain. L’intelligence artificielle (IA) en est un. Nous souhaitons avancer sur ce sujet à tous les niveaux : en matière de formation, pour les services et bien-sûr pour la recherche. La recherche est à la fois consommatrice et productrice d’intelligence artificielle, et en ce sens, l’Université de Strasbourg a un rôle important à jouer, en lien avec l’Inria et au sein du cluster Enact, piloté par l’Université de Lorraine. L'IA peut être un outil formidable dans toutes les disciplines et ouvrir de nouveaux pans de recherche. Encore faut-il alimenter les IA en données. Nous sommes très impliqués dans ce domaine, notamment dans le projet national recherche.data.gouv.fr. Nous avons aussi créé un service, Adele Helpdesk, ouvert à tous les chercheurs, qui est un point unique d'entrée pour la gestion des données de la recherche. L'université doit produire des données de recherche excellentes, fiables, irréfutables, qui portent nos valeurs.

À quels défis l’université va-t-elle devoir faire face durant le mandat à venir ?

L’université est confrontée à un problème démographique, avec une pyramide des âges vieillissante qui risque de mettre en péril certaines recherches. De nombreux personnels vont bientôt partir à la retraite. Comment faire pour ne pas perdre leur expertise, pour éviter que leurs compétences ne disparaissent ? Pour y faire face, nous devons développer une stratégie d’attractivité avec nos partenaires de sites, en particulier les organismes nationaux de recherche tels que le CNRS, l’Inserm, l’Inria et l’Inrae, ainsi que les Hôpitaux universitaires de Strasbourg.

L’université est confrontée à un problème démographique, avec une pyramide des âges vieillissante

Nous devons continuer à entretenir notre excellence scientifique dans tous les domaines, c’est l’argument majeur de notre attractivité. Nous pouvons aussi activer de nouveaux leviers pour nous démarquer dans cet univers très concurrentiel qu’est la recherche. Notre rôle est de mettre les enseignants-chercheurs dans les meilleures conditions possibles pour leur permettre de se consacrer à leur cœur de métier. Nous devons leur offrir de bonnes conditions de travail pour leur permettre de mener librement leurs travaux, et leur garantir un environnement de suivi très développé, qui va du montage de projet, avec le Pôle unique d’ingénierie (PUI), jusqu’aux aides à l’éventuelle mise sur le marché de leurs innovations, grâce au Pôle universitaire d'innovation Alsace (PUI-A) et à la Société d'accélération du transfert de technologies (Satt) Conectus.

Quels sont les leviers activés pour optimiser le financement de la recherche ?

Nous sommes allés très loin dans le modèle de financement par appels à projets au niveau national mais aussi parfois en local. Il faut repenser, avec les conseils centraux, les composantes, les unités de recherche, comment définir un nouvel équilibre au niveau local entre dotations sur projets et dotations récurrentes.

Il est primordial d’aller chercher plus de fonds européens

En parallèle, nous devons continuer à décrocher des appels à projets importants. L’Université de Strasbourg a été lauréate de tous les appels à projets France 2030, il faut s’en féliciter. Il est également primordial d’aller chercher plus de fonds européens. 

La mise en réseau des plateformes scientifiques dans le réseau Cortecs permet de garantir l’investissement et l’accès à des équipements de pointe indispensables et de renforcer nos compétences humaines. Une réflexion commune avec nos partenaires d’Eucor, permettra d’aller plus loin dans cette mutualisation. 

Nous devons continuer également à mobiliser nos fondations, à développer encore plus de partenariats avec les entreprises et redéfinir nos relations avec la région Grand-Est, l’Eurométropole de Strasbourg et la Collectivité européenne d'Alsace.

Quelles ont été les évolutions sur le fonctionnement de la recherche depuis le début de votre premier mandat, en 2021 ?

Nous avons connu plusieurs crises : la Covid puis la guerre en Ukraine, avec un envol des prix de l’énergie. L’université a pris sur elle tous les surcoûts, pour en limiter l’impact sur nos cœurs de métier. 

Nous devons être plus actif pour faire comprendre à la société les enjeux de la recherche

En parallèle, il y a la montée des populismes, avec une crise presque existentielle pour la recherche, qu’est la remise en cause de la parole scientifique, parfois accompagnée d’une mise en danger des scientifiques, avec le risque de choix politiques de revenir sur la liberté académique et de diminuer les financements pour la recherche et l’enseignement supérieur. Nous devons être plus actif pour faire comprendre à la société les enjeux de la recherche. L’université est incontournable pour répondre aux défis auxquels nos sociétés sont confrontées.  

Catégories

Catégories associées à l'article :

Mots-clés

Mots-clés associés à l'article :

Changer d'article