Par la rédaction
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« Exister, écrire, résister » : l'appel de l’Académie des écrivain·es sur les droits humains

Dans le cadre de l’Académie des écrivain.es sur les droits humains, portée par l’Université de Strasbourg et la Ville de Strasbourg, qui s’est tenue du 21 au 30 novembre 2024, neuf écrivaines et écrivains se sont unis pour rappeler la puissance de résistance de la littérature contre les désordres du monde, mais aussi pour faire état des menaces qui pèsent sur le livre et sur les auteurs et autrices.

Jean D’Amérique, Claude Ber, Roja Chamankar, Hawad, Alberto Manguel, Carole Mesrobian, Serge Pey, Pinar Selek et Luba Yakymtchouk, membres de l'Académie des écrivain.es, ont rédigé un appel qui figurera en ouverture d’un livre qui sera publié en avril 2025, à l’occasion des évènements de clôture de Capitale mondiale du livre Unesco 2024. Cet appel a pour titre « Exister, écrire, résister ». À l’occasion de leur dernière séance plénière, les membres de l’académie ont convenu de se réunir tous les deux mois, de s’ouvrir à d’autres membres et de prolonger leurs travaux par des publications, en particulier des alertes sur des situations individuelles d’écrivaines et d'écrivains dans le monde entier.

« Exister, écrire, résister »

Voici le texte adopté à l’unanimité le 30 novembre 2024 par les membres de l’Académie : Jean D’Amérique, Claude Ber, Roja Chamankar, Hawad, Alberto Manguel, Carole Mesrobian, Serge Pey, Pinar Selek et Luba Yakymtchouk.

« Je ne veux pas qu’on écrive des poèmes sur ma mort »

Il fait nuit sur le monde. Les guerres nous plongent dans la barbarie. Un conflit mondial est imminent. Face à l’impensable qui vient, nos consciences et nos cœurs se soulèvent. Nous, écrivaines et écrivains du monde entier, nous ne pouvons plus nous taire. L’humanité se perd. Nous sommes la littérature debout, nous sommes le livre, la parole en révolte, nous sommes en résistance pour la vie et la liberté. Nous sommes avec les voix écrasées, nous sommes avec les asphyxié·es, les emprisonné·es, les exilé·es. Nous sommes un cri.

Contre toutes les guerres dans le monde, nous exigeons la parole et la paix dans le respect des personnes.

Contre toute agression, nous rappelons que chaque être humain a le droit à se défendre.

Contre les crimes contre l’humanité, nous appelons à la justice.

Contre les essentialismes, les sectarismes et les nationalismes, nous proclamons l’universel des droits du vivant.

Contre les assignations identitaires, nous affirmons le primat des différences et des singularités.

Contre la tyrannie du même, nous chantons la beauté infinie de l’autre.

Contre les nettoyages ethniques, nous appelons au brassage des peuples et au Tout-Monde.

Contre les dictatures linguistiques, nous proclamons le droit de chaque personne et de chaque peuple à parler la langue de son choix.

Contre la réécriture des œuvres du passé, nous exigeons le respect de l’intégrité des textes littéraires.

Contre les frontières d’acier, nous lançons des cerfs-volants.

Contre les murs et les barbelés, nous proclamons la liberté de circuler.

Contre la destruction de la terre par l’exploitation des hommes, nous affirmons les droits de l’air, de l’eau et du sable.

Contre l’enfermement des corps et des esprits, nous faisons éclore les soleils de mille grenades entrouvertes.

Contre les dogmatismes, nous proclamons le droit au sensible et à l’imaginaire.

Contre toute censure, nous créons des ripostes et ouvrons des passages.

Contre les marchands de désespérance, nous lançons des salves d’avenir.

Contre l’obscurantisme, nous affirmons le pouvoir libérateur des littératures.

Contre la servitude volontaire et involontaire, nous brandissons la lumière du poème.

Contre un monde où il n’y aurait que des vainqueurs et des vaincus, des dominants et des dominés, et où l’idée même de droit n’aurait plus de sens, nous affirmons qu’écrire est un acte de résistance. Nous, écrivaines et écrivains du monde entier, proclamons que la littérature est un acte de vie qu’on insuffle au monde et que notre droit à dire le réel et à inventer tous les imaginaires possibles ne souffre aucune limite. Contre tous les assassins de l’humanité, nous appelons à la force d’écrire et d’agir.

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