Budget 2026 : « La priorité est de travailler sur notre cap »
Dans un contexte particulièrement incertain, avec le vote du budget encore en suspens à l’Assemblée nationale, l’équipe de présidence de l’Université de Strasbourg est déterminée à garder son cap et affiner ses priorités. Objectif : recentrer la communauté sur son cœur d’activité, enseignement et recherche. Analyse avec la présidente Frédérique Berrod et Yann Gaudeau, vice-président Finances et moyens.
Comment faites-vous face à ce contexte ?
Frédérique Berrod : Quoi qu’il arrive, nous aurons un budget initial, basé sur les mêmes indicateurs que l’an dernier. Nous faisons le choix de doter les entités au même niveau – ce n’est pas celui de toutes les universités ! Cela reste une prévision, il y aura des ajustements au moment du budget rectificatif, en fin d’année universitaire (voir calendrier en encadré), mais cela ne changera rien à notre stratégie : nous ne pouvons nous laisser balloter au gré des aléas.
Yann Gaudeau : Ce qui est nouveau, c’est que ce flou s’installe dans le temps, avec un vrai risque de ralentissement. Ce n’est pas le plus simple pour travailler dans une perspective pluriannuelle, comme nous le souhaitons…
Sauf miracle à l’Assemblée nationale, l’université sera en déficit pour la quatrième année consécutive.
Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?
Y. G. : La subvention que nous attribue l’État pour charge de service public reste stable. Or elle ne cesse d’être grignotée par l’inflation, et par un certain nombre de mesures non-compensées : Compte d'affectation spéciale (CAS) pension, « mesures Guerini », mutuelle complémentaire (voir encadré)…
F. B. : Rappelons que nous avons su faire preuve de résilience face aux crises qui se succèdent depuis 2018 (Covid, crise de l’énergie, etc.). Nous le ferons pour le budget.
Quels sont alors les leviers d’action ?
F. B. : C’est essentiellement une question de priorisation à notre niveau. Un récent rapport sénatorial a pointé le manque de stratégie nationale pour les universités françaises, qui évoluent globalement dans un contexte international tendu. Nous nous devons d’être crédibles, de savoir où on va, et cela passe idéalement par des orientations claires données par l’État et la fixation d’objectifs stratégiques par les universités.
Actuellement, on ne peut se satisfaire de la manière dont on finance le service public à l’université.
Nous y travaillons à travers nos réseaux d’influence, Udice (alliance de treize grandes universités françaises) et la League of European Research Universities (LERU), au niveau européen, où se posent aussi des questions vitales pour le financement des universités.
Un certain nombre d’actions et de réformes ont déjà été engagées par votre équipe…
F. B. : Le 4 novembre, le conseil d’administration a voté le projet de réforme d’allocation d'une partie de l’Initiative d’excellence (Idex). Nous ne nous appuyons plus sur des leviers, mais des actions, ce qui implique désormais un travail transversal des vice-présidences et des entités.
Y. G. : Nous avons répondu à la demande d’efficacité et de simplification : Commission de la recherche (CR) et Commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) ont désormais la main pour réduire les appels à projets (AAP), avec la mise en place d’un guichet unique pour ce dernier. Cela va demander dialogue et travail collectif, car cela suppose de réformer une méthodologie de travail de quinze ans !
F. B. : Déjà en 2021, nous avions demandé un effort d’économie de 10 % aux entités, avec 10 % de budget mutualisé pour répondre à des besoins communs. Toute la communauté universitaire doit aujourd’hui réfléchir à transformer nos pratiques pour alléger nos charges et se constituer des marges budgétaires.
Le travail de pédagogie déjà engagé va être poursuivi, avec notamment une réflexion autour de la « bonne dépense », découlant par exemple d’un audit sur la politique d’achat. Cela implique davantage de responsabilisation : le budget est l’affaire de tous !
Quelles sont vos priorités ?
F. B. : Avancer vers un certain nombre de caps ensemble, sans fracturer la communauté. Dans ce contexte de grand flou, nous devons trouver le bon équilibre entre prise de risque et prudence, l’initiation de nouveaux projets et la concentration sur les missions quotidiennes. Avec pour maîtres-mots la sécurisation et la soutenabilité du travail de nos équipes, chercheurs et actions. Et une priorité : travailler à notre cap et à notre stratégie.
Y. G. : Nous sommes arrivés à un stade de maturité budgétaire et stratégique. Les priorités de l’établissement sont posées, grâce aux grands projets du mandat précédent (Stratus, Opus, Sens§us, Enact, Tactus, …), avec des axes forts autour de l’interdisciplinarité et du lien formation-recherche, de notre relation à la société, de l’engagement étudiant, de l’internationalisation, de la réussite et de la professionnalisation, de l’IA, et l'excellence de notre recherche.
Nos tutelles ministérielles nous attendent aussi sur des thématiques comme le Développement durable et la responsabilité sociétale (DD&RS) qui sont prévues dans ces projets.
Quel message envoyez-vous à la communauté ?
Y. G. : Rester optimiste, ne pas se laisser gagner par l’inquiétude. On est capables d’adapter, d'être à l’écoute, on n’a jamais laissé personne au bord du chemin !
F. B. : Réjouissons-nous de nos réussites : Musée zoologique, Centre sportif universitaire, inauguration d’infrastructures uniques en Europe…
Il s’agit de l’affirmer haut et fort, nous sommes là pour travailler, former des étudiants et faire de la recherche, et créer aux maximum les conditions pour cela. C’est ce qui nous anime au quotidien !
Budget : repères
Budget = + 600 millions d’euros
Dont 450 millions destinés à la masse salariale, soit 75 %
Il s’agit d’une agrégation des lignes budgétaires du niveau central (N1) + du niveau des entités (composantes, services, laboratoires : N2) + grands projets, Idex
Origine des fonds : 385 millions d’euros de subventions de l’État pour charge de service public (64 %), autres fonds publics (européens, régionaux, etc.), droits d’inscription étudiants, financements d’entreprises,…
Les grandes étapes du calendrier budgétaire
Juin (N1) : Débat d’orientation budgétaire (DOB) (en congrès, adopté sous forme de Lettre d’orientation budgétaire-LOB au CA)
Septembre (N1) : arbitrages budgétaires (N1/N2) : évaluation des ressources, répartition des crédits par entités
Octobre-novembre (N1) : élaboration des projets de budgets par les composantes, unités de recherche et services : vote du budget de la structure par le conseil de composante ou l’unité de recherche
Décembre (N1) : consolidation et projet de budget primitif : transmission du budget aux différentes instances de contrôle
Au plus tard de 31 décembre (N1) : vote du budget initial (CA)
1er janvier : budget exécutoire
Mars (N2) : vote de l’exécution du budget N1
Juin (N2) : budget rectificatif (éventuellement une autre fois dans l’année)
Le niveau budgétaire 1 (N1) correspond au niveau central (établissement), le niveau 2 (N2) correspond aux entités (services, laboratoires, composantes).
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