Par Elsa Collobert
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Steven Bardey, un start-upper qui ne manque pas de souffle !

Docteur en physique de l'Université de Strasbourg, Steven Bardey a surfé sur le sujet prometteur de sa thèse pour en faire une application industrielle commercialisable : transformer le CO2 en carburant. Désormais à la tête d'Aerleum avec un associé, le lauréat du prix Pépite 2023, catégorie transition écologique, revient sur sa success story !

Capter le CO2 pour le transformer en énergie bas carbone alimentant l'industrie du transport maritime : un projet a priori fou. C'est ce qu'a d'abord cru Sébastien Fiedorow. Mais je n'ai pas mis longtemps à le convaincre que l'idée avait de l'avenir, sourit Steven Bardey. Associés depuis 2023, le docteur en physique et le commercial ont fondé leur société, Aerleum, voici un an, pour concrétiser le rêve. On a des profils très complémentaires, entre nous ça a été un vrai coup de foudre professionnel.

Curieux de nature, je savais depuis longtemps que je voulais faire quelque chose d'utile à la société

Steven Bardey, lui, en est lui convaincu, depuis qu'il a réalisé sa thèse Cifre sur le sujet avec l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) : il a développé pendant trois ans une technologie de conversion du CO2. Aujourd'hui, si la solution technique sur laquelle il planche est différente, le but final reste le même ! Curieux de nature, je suis passionné par la science depuis que je suis tout petit. Je savais depuis longtemps que je voulais faire quelque chose d'utile à la société, même si j'ai d'abord pensé au domaine de l'industrie pharmaceutique. C'est finalement en physique qu'il concrétise cette envie, à l'Université de Strasbourg, d'abord en master, puis en thèse.

Facteur chance

C'est donc animé de cette conviction qu'à l'issue de celle-ci, il se lance dans l'entrepreneuriat, en 2020. J'ai eu de la chance d'avoir dès le départ des personnes qui ont cru dans le projet et l'ont soutenu, y compris financièrement. A commencer par Marble, start-up studio spécialisé en green tech. Mais aussi Pépite Etena, qui a été très facilitateur : Moins d'un mois et demi après mon inscription, j'avais accès à un laboratoire du réseau des fab-lab, pour développer ma preuve de concept.

Qu'est-ce qui lui a mis le pied à l'étier pour réussir dans secteur de la green tech ? Pendant ma thèse, j'ai eu la chance de participer à des voyages d'études, des tables rondes, des conférences... Et de me spécialiser sur un sujet dont je suis devenu expert, estime Steven Bardey.

Aujourd'hui à la tête d'une équipe de cinq ingénieurs, d'abord basée à Strasbourg puis aujourd'hui Paris, dans des locaux à la mesure de ses effectifs et de ses ambitions, il est entre-temps monté en compétences sur différents aspects, comme finances, études de marché, business plan, gestion RH...

Notamment financée grâce aux concours gagnés, la preuve de concept nécessaire à la poursuite des activités d'Aerleum est enfin finalisée

Notamment financée grâce aux concours gagnés, la preuve de concept nécessaire à la poursuite des activités d'Aerleum est enfin finalisée : Il s'agit d'un mini-prototype, un réacteur capable de produire plusieurs millilitres de méthanol. Il s'agit maintenant de passer à l'échelle supérieure : Passer à une production de plusieurs dizaines de tonnes par an, grâce à un démonstrateur d’un mètre cube. On parle d'échelles de temps de deux-trois ans et de millions d'euros.

Steven et Sébastien vont pouvoir un peu reprendre leur souffle cet été. Il est le CEO (chief executive officer = PDG) de la boîte, moi le CTO (chief technical officer). Il est plus souvent au front que moi, mais je dois savoir faire la différence plus tard, lors des sujets plus techniques, face à de potentiels investisseurs à convaincre. C'est là que se joue tout l'intérêt de notre binôme complémentaire. Nous ne cessons d'apprendre et de capitaliser sur les compétences l'un de l'autre.

Le transport maritime, un secteur à convertir à l'économie circulaire

Il y a urgence à agir : comptabilisés ensemble, les rejets en CO2 du transport maritime équivalent à 3% des émissions mondiales, soit la pollution d'un pays développé ! La réponse d'Aerleum ? Une solution d'économie circulaire : Capter le CO2 dans l’air et le transformer en carburant vert : le méthanol, non pas neutre en carbone ou zéro émission, ce qui serait un abus de langage, mais 'bas carbone'. La solution développée par Aerleum, produite uniquement à base d'énergie dite 'propre', c'est-à-dire électrique, c'est seize fois moins d'émissions que du méthanol produit à base de fossiles.

Nous visons une production à 1 200 $ la tonne d’ici deux ans. C'est certes bien plus cher que le cours actuel (envion 600 $), mais Aerleum prévoit de produire du méthanol vert à parité de coût avec le méthanol fossile d’ici cinq à sept ans. Des régulations visant l’industrie maritime, ainsi que la pression sociétale, incitent les transporteurs à faire cet effort, d’autant que les leviers sur lesquels ils peuvent jouer ont déjà tous été activés (motorisation, vitesse, diminution du poids des cargaisons, etc.).

À la clé : un marché estimé à 40 milliards en 2023, qui va évoluer rapidement grâce à  son utilisation en tant que carburant pour les cargos, dans un premier temps.

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