Par Elsa Collobert
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Dans les petits papiers de Myriam Pepino

Des métiers atypiques au cœur de l'université #4. Seule et unique relieuse de l'université, basée à l'UFR Math-Info, Myriam Pepino jongle au quotidien entre réparation de livres et conception d'ouvrages uniques. Pour ce nouvel épisode de la série consacrée aux métiers atypiques de l'université, elle nous ouvre les portes de sa caverne d'Ali Baba, une véritable malle au trésor...

Presses, plioir, papiers multicolores et marbrés, aiguille, ciseaux, colle, massicot... sont les outils de travail quotidiens de Myriam Pepino, la relieuse de l'université. En 2016, interviewée par L'Actu, elle décrivait ainsi ses missions : J'assemble les revues en un corpus robuste, permettant une consultation régulière et une meilleure conservation. Je répare aussi les ouvrages abîmés.

Cette fonction existe maintenant depuis plus de 40 ans à l'Université de Strasbourg, occupée précédemment par M. Kernst, déjà à l'UFR de Math-Info. C'est une volonté de notre direction, riche de l'un des fonds documentaires en mathématiques les plus importants de France. Des archives précieuses, dont certaines datent du 16e siècle, jusqu'au 20e siècle pour le fonds ancien*. Myriam Pepino y consacre environ 60 % de son temps de travail. Mais ses prestations, désormais inscrites au catalogue de l'imprimerie de la Direction des affaires logistiques intérieures (Dali), sont aussi accessibles aux autres services de l'université, sur facturation interne.

Pimenter le quotidien

Sous l'influence de sa titulaire actuelle – 26 ans de maison à l'Unistra – la fonction s'est progressivement élargie à la reliure d'art et de création. Cela permet de pimenter le quotidien, en diversifiant le travail, et de manipuler des matières nobles, comme la feuille d'or ou le cuir, apprécie Myriam Pepino.

Celle-ci est ponctuellement amenée à concevoir des livres d'or pour des occasions spéciales : La célébration du prix Nobel de Jean-Pierre Sauvage, ou encore un départ à la retraite. Il peut aussi s'agir de rassembler dans des ouvrages de prestige tous les articles d'un chercheur, ou leur thèse de doctorat. Une activité très gratifiante, car cela touche une corde émotionnelle chez les personnes concernées. Malheureusement, je n'ai pas l'occasion de voir par l'expression sur leur visage quand ils reçoivent leur cadeau. Mais on me dit qu'ils sont en général très touchés.

Depuis, Covid oblige, Myriam Pepino a revu son organisation. Elle répartit désormais son temps entre l'UFR et son atelier privé de Gambsheim, partagé avec son mari Michael. Je n'aurais jamais imaginé travailler ailleurs qu'à l'UFR. Mais avec un peu d'organisation, ça marche très bien. En télétravail, elle peut se concentrer sur les tâches minutieuses, comme les livres d'or, alors qu'à l'UFR je me consacre aux gros trains de reliure, comme 60 ouvrages du fonds de la bibliothèque de l'Institut de recherche mathématique avancée (Irma) que je viens juste de livrer, précise-t-elle. Un bon compromis.

Mais à peine cette nouvelle organisation rodée, il a de nouveau fallu s'adapter : L'UFR subissant de gros travaux, j'ai basculé à 100 % en télétravail depuis six mois. Suite à une vaste opération de nettoyage, le changement des fenêtres pour des modèles plus performants ayant généré beaucoup de poussière, Myriam Pepino vient tout juste de réintégrer son atelier.

Raréfaction

Le périmètre de ses missions s'est aussi élargi, pour son plus grand plaisir : Je mène de plus de plus d'actions de médiation culturelle et scientifique, comme ouvrir mon atelier pour les Journées du patrimoine, organiser sur site les Journées de l'architecture avec l'architecte Laurent Kohler, accueillir des étudiants pour le festival Arts et sciences de l'Afges. Sans oublier la conception d’expositions. Cela s'inscrit dans la politique de l'UFR, de valorisation de notre patrimoine architectural, emblématique des années 1960, et livresque.

Myriam Pepino est toujours aussi passionnée par son travail. Mais la titulaire du brevet de maîtrise supérieur (la plus haute qualification pour ce métier, obtenue en formation continue à l'Unistra, entre 2006 et 2009), toujours volontaire pour présenter son métier à des étudiants en formation, s'inquiète pour une activité artisanale en voie de raréfaction. L'accès au savoir passe de plus en plus par la voie du numérique et la dématérialisation. Qui sait de quoi demain sera fait...

* L'UFR de Math-Info est doté de deux fonds documentaires : celui de l'Institut de recherche sur l'enseignement des mathématiques (Irem) et de l'Institut de recherches mathématique avancée (Irma)

Dans les coulisses de l'atelier de reliure et de restauration

En vidéo : « Reliures d’âmes », réalisée en mars 2021, à l'occasion de la 5e édition de la Semaine internationale des droits des femmes à l'Unistra

Des métiers atypiques au cœur de l'université

Ils et elles sont cartothécaire, éleveuse de moustique, agent logé ou relieuse... Gardiens de trésors universitaires ou dépositaires d'un savoir rare, ils œuvrent dans des professions méconnues, souvent dans l'ombre. Cette série propose de mettre leurs compétences sous le feu des projecteurs.

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