Par Elsa Collobert
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Point final sous le signe de la peur

Artiste associé à l’Université de Strasbourg pendant trois saisons, Geoffrey Rouge-Carrassat clôt sa résidence « Habiter l'université » avec une ultime proposition, le spectacle « Je n’ai pas peur des corbeaux », à voir du 26 au 28 février, à La Pokop. Fidèle à son fil rouge de l’expérimentation, il tisse des liens entre les univers de huit artistes invités sur scène.

La peur au centre du dispositif. Mais celle de qui ? Du comédien sur scène ? Celle suscitée parmi le public ? Du metteur en scène lui-même ? Geoffrey Rouge-Carrassat, qui est aussi comédien mais préfère se jouer des étiquettes, reconnaît : Ce que je veux explorer avec ce spectacle, c’est l’ambivalence de notre rapport à la peur : la fascination, entre désir et répulsion.

Avec la dernière création qu’il orchestre, le spectacle Je n’ai pas peur des corbeaux, il sort une nouvelle fois de sa zone de confort, celle du théâtre, invitant sur scène huit artistes issus de différentes disciplines – performance, cabaret, marionnettes, musique, arts plastiques… La plupart ne se connaissent pas et n’ont jamais travaillé ensemble, mais ont pour point commun d’ être des êtres humains inventifs, qui ont des trésors dans leur hotte. Une expérimentation permise par le « laboratoire grandeur nature » que lui offre l’Université de Strasbourg via son Service universitaire de l’action culturelle (Suac), dans le cadre de sa résidence de trois ans.

Une mise en musique d'univers parallèles

Le résultat : une mise en musique d’univers parallèles, aux temporalités parfois bien différentes, et qu’il s’agit d’accorder. Un spectacle monté en trois semaines, laissant cette fois moins de place à l’improvisation que ses précédentes propositions, telle Gilgamesh Variations. Le spectacle devrait cette fois durer entre 1 h 30 et 2 h .

Même si le but n’est pas d’effrayer le public, l’artiste associé, 30 ans cette année, avertit : Il y aura des moments éprouvants pour les spectateurs. À cet effet, des avertissements balisent le spectacle. Certains ont été conçus en lien avec les étudiants du master Médiation culturelle, venus à La Pokop réfléchir à ce cas pratique.

Peur de l’autre, de soi-même, de perdre le contrôle, du regard d’autrui… 

« Ce que je veux explorer avec ce spectacle, c’est l’ambivalence de notre rapport à la peur : la fascination, entre désir et répulsion »Peur de l’autre ou de soi-même, peur de perdre le contrôle, peur du regard d’autrui… Avec pour point de départ le questionnement de nos multiples angoisses et celles qui traversent notre société, Geoffrey se plaît aussi à citer le peintre Francisco de Goya, qui l’inspire : Je n'ai pas peur des sorcières, des lutins, des apparitions, des géants vantards, des esprits malins, des farfadets, etc. ni d'aucun autre genre de créatures hormis l'être humain. Il avertit toutefois : J’ai absolument tenu à éviter le format catalogue, énumération de peurs. Dès qu’une proposition entrait trop dans le registre du littéral, pendant le processus de création, je l’écartais. Au profit des surgissements de l’étrange dans le quotidien : Ce qui provoque le trouble, c’est la dissonance, par exemple la présence d’un triangle parfaitement géométrique dans une forêt, toute faite de matière organique.

Alors que s’approche aussi la fin de son travail de thèse au Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD), en juillet prochain, que sa résidence a forcément nourri, Geoffrey Rouge-Carrassat dresse le bilan de ses trois ans en tant qu’artiste associé à l’université : Une période qui se clôt, c’est forcément un moment d’émotions. Je l’aborde de façon apaisée, sans le stress de la page à écrire que j’avais au début. Celle-ci est bien remplie, riche de rencontres, d’échanges, y compris avec les équipes de La Pokop et du Service universitaire de l’action culturelle (Suac), de spectacles joués et invités, de bords-plateaux, d’ateliers, de moments de médiation. Domine aussi l’excitation de présenter au public cette dernière création, ce “truc” qui est en train de se peaufiner. Quelque chose en moi s’est affirmé, sur mes intentions artistiques. Une démarche qu’il poursuivra l’année prochaine, au Centre dramatique national (CDN) de Nancy. Avec l’espoir que le statut d’artiste associé, dont j’ai la chance d’avoir bénéficié à l’Unistra, grâce à l'impulsion du Suac et de son directeur, Sylvain Diaz, perdurera dans l'avenir. 
 

* Chloé Astor (comédienne et chanteuse), Pierre Barraud de Lagerie (artiste visuel), Mona La Doll (artiste cabarettiste et performeuse), Mélanie Gobet (danseuse et performeuse), Jean-Marc Joannes (musicien et compositeur), Cassiopée Lagord (assistante à la mise en scène), Juliette Paul (plasticienne et performeuse), Gaëtan Vettier (auteur et comédien)
 

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