Par Marion Riegert
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Dans les coulisses de la création d’une « Bible manuscrite »

En 2020, en plein confinement, Thierry Legrand, doyen de la Faculté de théologie protestante et sa collègue Valérie Duval-Poujol, enseignante en philologie grecque à l’Institut catholique de Paris, ont une idée un peu folle : créer une « Bible manuscrite ».

« C’est un projet novateur, unique en France. Pendant le confinement, à un moment où beaucoup de personnes étaient déconcertées, nous avions envie de profiter de ce temps pour faire quelque chose de nouveau, de positif et de créatif », raconte Thierry Legrand, spécialiste des manuscrits anciens de la Bible, qui décide avec sa collègue de se lancer dans un projet de Bible manuscrite. Un véritable travail de copiste moderne permettant de donner une dimension nouvelle aux textes bibliques.

Le chercheur choisit de cibler le Nouveau Testament dans son ensemble soit 260 chapitres et les 150 psaumes du Livre des Psaumes de l’Ancien Testament. Le tout, en suivant le texte d’une nouvelle traduction de la Bible en Français, la Nouvelle France Courant. Un appel est lancé dans toute la francophonie dès mars 2020. « Nous avons eu plus de réponses que prévu. 500 personnes se sont portées volontaires, nous avons attribué un chapitre à chacune et avons gardé les quelques dizaines d’autres en appui. » Un concours est également organisé pour les pages de garde et la création de marque-pages.

Un travail artistique

Seule consigne : recopier le chapitre attribué sur une feuille A4 avec une certaine marge et en transmettant le texte tel qu’il est. « En recevant les textes envoyés par la poste, j’ai eu une énorme surprise. Il y en avait sur carton, des collages, beaucoup de sujets floraux avec notamment des fleurs séchées sans forcément de rapport avec l’écrit recopié. C’est un travail artistique. »

Nous avons eu quelques personnalités comme Gérard Larcher, président du Sénat, le joueur de football Olivier Giroud

Parmi les contributeurs, des juifs, des chrétiens, mais aussi des athées. « Nous avons eu quelques personnalités comme Gérard Larcher, président du Sénat, le joueur de football Olivier Giroud, Haïm Korsia, grand-rabbin de France, ou encore le prix Nobel de la paix 2018 Denis Mukwege. » Deux classes de 5e et de 6e participent également au projet ainsi qu’une communauté de sœurs, des personnes en situation de handicap, des médecins, des infirmières en pleine situation de Covid... Et vous ? « Moi, je ne sais plus écrire à la main », plaisante Thierry Legrand qui précise que chaque copiste dit avoir recommencé deux, trois fois chaque page.

Trois volumes reliés au cuir et cousus à la main

Travaillant jour et nuit à distance, confinement oblige, le théologien relit et vérifie avec sa collègue et l’aide de trois services civiques chaque page. « Une sur deux en moyenne contient des erreurs. S’il y a trop de fautes, nous demandons à la personne de recommencer, sinon, nous nous chargeons des corrections. Cela m’a notamment permis de réaliser que les copistes de l’Antiquité avaient rencontré les mêmes problèmes que ceux de notre époque. »

Fin juillet, le chercheur se rend à Paris auprès de la maison d’édition Alliance biblique française à qui il a fait appel pour classer et organiser l’ensemble des copies (1m50 de dossier). En octobre, les quelque 1 400 pages originales sont rassemblées dans trois volumes reliés cuir et cousus à la main par des artisans. « L’ouvrage est destiné à circuler gratuitement à travers les institutions, parlement, églises, bibliothèques… qui souhaitent voir cet objet unique. » Une version en deux volumes en couleur est publiée pour le grand public.

La publication du reste de l’Ancien Testament n’est pas à l’ordre du jour. « C’est un travail monstrueux qui nécessiterait de mobiliser et coordonner 2 500 personnes. Si quelqu’un a envie de reprendre le flambeau, ce serait génial, mais c’est un fou ou une folle ! », sourit Thierry Legrand.

En chiffres

Bon à savoir

  • Entre 460 et 500 collaborateurs impliqués pour 410 chapitres copiés.
  • 70% de femmes et 30% d’hommes, âgés de 7 à 93 ans.
  • 10 484 versets copiés à la main. Soit entre 20 et 23 versets en moyenne par copiste.
  • 35 nationalités, parmi lesquelles la Suisse, la Belgique, Madagascar, l’Italie, le Cameroun, la Corée du Sud, la Côte d’Ivoire, le Canada ou encore les États-Unis.
  • 8,5 kg soit le poids total des trois volumes contenant les textes originaux.
  • Plus de 1 000 exemplaires imprimés déjà écoulés.

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