Par Elsa Collobert
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Clément Beylet, au diapason des mots

Chargé de la gestion de l’emploi étudiant au Service de la vie universitaire (SVU), Clément Beylet conjugue sa passion pour le rock et la poésie en enregistrant les textes qu’il compose sans relâche depuis des années.

L’écriture comme pulsion de vie. Clairement, cela m’a aidé dans des phases difficiles, à la manière d'une thérapie. J’ai en particulier eu de graves soucis de santé, avec l'installation définitive d’un handicap, à partir de 2012. Ses textes sont alors très sombres. Mais ils tendent progressivement, de plus en plus, vers la lumière.

Depuis son arrivée à l'université, en 2003, Clément Beylet a déjà traversé plusieurs vies professionnelles : Le service de la communication, le Bureau de la vie étudiante de l’Université Louis-Pasteur (ULP), à partir de février 2004 ; le service du personnel ; le Service pour la promotion de l’action sociale (Spacs), l’audit interne, avant le Service de la vie universitaire (SVU), depuis 2019 – un véritable bain de jouvence, énumère le poète.

Tout au long de ces années, il n’a jamais cessé de composer des textes, que la plupart du temps il fait mettre en musique. Je ne le fais pas moi-même, je n’en ai ni les compétences, ni le talent. Mais je propose à des amis de le faire ou à des amis d’amis », via son réseau Facebook. « C’est ma manière de m’exprimer, je souhaite à chacun de trouver la sienne.

Références maritimes

Ses thèmes de prédilection ? Les relations humaines, le doute, la fragilité. Je ne parle pas des vainqueurs, ça ne m’intéresse pas. J’utilise aussi beaucoup de références maritimes. Bien que peu familier des bords de mer, Clément Beylet y puise l’inspiration ultime. La mer est la mère de la poésie, glisse l’Alsacien. Amateur de jeux de mots, d’allitérations sonores, de doubles sens et de néologismes, il ne s’est pas surnommé Admirable Nelson par hasard...

Côté références, il cite le « boss » du rock, Bruce Springsteen, l’Australien Nick Cave ou encore le français Hubert Félix-Thiéfaine. Moins connu, Little Bob, également, dont il gère la page Facebook. Mais sa référence stylistique ultime, c’est Alain Bashung. En particulier son album de 2002, L’imprudence, entièrement parlé. C’est ce qui se rapproche le plus de ce que je fais, du spoken words. A distinguer du slam, même si j’aurais pu aussi me surnommer Grand Corps Malade, glisse-t-il avec une pointe d’autodérision.

Je viens du rock, j’ai intégré un groupe à l’âge de 17 ans. On se produisait dans des bars strasbourgeois dans les années 1980. Je jouais de la basse, mais n’étais pas vraiment bon. C’est pourquoi je me suis concentré sur l’écriture des textes, raconte le dialectophone, à qui il arrive de composer en alsacien et en anglais. Mais avant tout en français, la langue dans laquelle je suis forcément le plus à l’aise. Plus jeune, à l’école, il prend son pied à s’immerger dans son imaginaire et à rédiger des travaux de rédaction.

Parmi ses souvenirs marquants à l’université, il cite une anecdote : Je travaillais alors comme premier responsable administratif du Spacs. Nous avions pris l’habitude de participer au Printemps des poètes. Des textes rédigés par des personnels étaient déclamés sur le campus par le comédien Christophe Feltz. Une année, alors que nous avions obtenu l’autorisation d’intervenir lors d’un conseil d’administration de l’ULP, le comédien interrompit celui-ci pour déclamer un de mes poèmes qui lui avait particulièrement plu, raconte-t-il avec fierté.

Calendrier sonore

Même si ça me chagrine un peu de ne pas toucher plus de monde avec mes compositions - on fait de l’art pour cela, Clément Beylet a été récemment très honoré et récompensé en recevant des retours positifs de musiciens de son réseau. Je les avais sollicités pour composer l’ambiance musicale autour de 52 de mes textes, exhumés et retravaillés pendant le confinement. Certains d’entre eux sont de vraies pointures dans leur domaine. L’idée était de composer un calendrier sonore, posté chaque semaine et accompagné d’une petite vidéo. J’ai dû interrompre la parution pour diverses raisons et notamment de santé, mais je vais reprendre bientôt, sous une autre forme. Ou comment regarder, inlassablement, vers la lumière...

Admirable Nelson dans le texte

Découvrez une petite sélection de textes du poète…

  • Un poème

Paris en bouteille

Si,
Si tu m’aimais vraiment…

On se déboucherait un périph’ à 8 heures du mat’
On s’emmêlerait les pinceaux place du Tertre
On donnerait vie aux Morrisons du Père Lachaise
On se jazzerait une nouvelle vague à Saint-Germain
On dormirait un tsé-tsé de bateau mouche
On cracherait les milles feux des dragons du 13e
On inonderait d’opulence la goutte d’or
On se chanterait un Gavroche des barricades
On battrait le pavé parce qu’il est plage et chaud
On enguelerait l’atmosphère du canal Saint-Martin
On danserait sans peur les soirs du Bataclan
On coucherait les deux rives dans le même lit
On se ferait tout petits devant les grands boulevards
On vomirait les prospères du ventre des Halles
Et on flotterait l’écharpe des cabarets de Bruant
Et on draguerait les ossements sous le parc Montsouris.

Si,
Si tu m’aimais vraiment…
La Seine serait un grand cru, car Paris serait en bouteille.

Sans ces ceci, tous ces si aux issues indécises, on serait tant de choses, tant de choses d’autres qu’hypothèses.

Si,
Si tu m’aimais vraiment…
La Seine serait un grand cru, car Paris serait en bouteille.

  • Une sélection choisie de courts textes

- L'évasion est un art qui dans l'océan répare nos morceaux épars et affrète les beautés à venir.
- Je ne suis qu'un homme talon, un Achille, un immortel bancal, un colosse aux pieds d'argile autour duquel rôde le fragile.
- J'ai mes toujours, j'ai mes jamais, mais leur préfère mes peut-être.
- Au premier regard, nous nous sommes inconnus mais avons, depuis, largement appris à nous méconnaitre.
- J'ai maté sous mon lit si monstre il y avait. Et tu y étais.
- Je suis coincé à quai. Il n'y a que ma vie qui prenne l'eau. Un homme est à la mer et son rêve est parterre.
- Au rythme des marées qui donnent et reprennent, je pose mes lèvres contre ton ventre qui se tend vers moi avant que, lassé, il ne s’en retourne vers toi.
- Je suis resté trop longtemps sous les draps, couché, caché, à m'éviter. Mais aujourd'hui, les yeux ouverts, je me tiens devant nous et m'expose à nos regards qui sont tout autant de dangers.
- Soigne ta plume, deviens oiseau, casse le bitume, gratte les cieux, augmente-toi, envole-toi. 

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