Par Marion Riegert
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Zoom sur les coopératives énergétiques citoyennes

Dans le cadre du projet Interreg RES-TMO, Philippe Hamman, sociologue au sein de l’unité mixte de recherche Sociétés, acteurs, gouvernement en Europe (CNRS/Université de Strasbourg), s’est penché de février 2018 à juillet 2022, sur les coopératives énergétiques citoyennes en Alsace, en Suisse du Nord et dans le Bade-Wurtemberg.

En quoi consiste le projet ?

Nous avions deux échelles, le niveau de l’ensemble des acteurs de l’énergie et des énergies renouvelables et celui des coopératives avec un focus sur deux d’entre elles. La centrale villageoise de Saverne (voir encadré) et le projet Zusamme Solar Colmar, fruit d’une coopération entre France et Allemagne. Un des enjeux de cette étude tient au circuit de l’énergie. Pour la plupart d’entre nous, énergie égale électricité égale prise de courant. L’idée est de revisibiliser le circuit de l’énergie, montrer d’où cela part et à quoi cela va servir. En France, ces énergies intermittentes, éolien, solaire, amènent des questions de solidarité entre territoires : est-ce qu’un territoire ensoleillé payerait moins cher qu’un autre ? Elles posent aussi la question du rapport propriétaire/locataire, urbain/rural.

Qu’est-ce qu’une coopérative énergétique citoyenne ?

Il y a l’idée d’un collectif. En présence d’un capital, il y a une mise en commun d’actions, cela prend la forme de sociétés avec le montage de projets photovoltaïques ou éoliens. Il y existe deux sortes de coopératives. En France, l’énergie produite est essentiellement revendue au réseau. En Allemagne, les coopératives sont davantage à la fois de production et de consommation, assurant ainsi le besoin en électricité de ses membres. Ces structures intègrent un fonctionnement pluri-échelles et pluri-acteurs.

Ces structures intègrent un fonctionnement pluri-échelles et pluri-acteurs

Certaines privilégient le local, d’autres estiment que ce qui importe c’est de faire du renouvelable peu importe le lieu. Avec différents enjeux : obtenir des subventions pour mettre en place le projet ; sans oublier l’élément matériel, trouver des toits où installer les panneaux photovoltaïques par exemple. Ce qui suppose une entente avec les collectivités et les élus pour la mise à disposition de toits comme ceux d’écoles. Les coopératives fonctionnent également en réseau. En France, il existe les Centrales villageoises et Energie partagée, des réseaux nationaux qui essaiment localement. Ces réseaux se sont développés depuis 2010 en France, contre une vingtaine d'années en Allemagne.

Pourquoi se lancer dans un tel projet ?

Il y a une diversité de motifs à l’adhésion. Les porteurs des coopératives évoquent souvent un motif environnemental et de développement local avec l’idée de reterritorialiser l’énergie. Ils ont un certain profil social notamment un profil d’expertise avec, soit une fonction en lien avec l’énergie, soit un certain capital économique et culturel. Côté actionnaires, ce sont de petits collectifs de particuliers qui se disent sensibles à l’écologie, sans négliger l’aspect financier. Il y a un discours du faire, discours pas forcément militant mais de faire à son niveau. Les coopératives peuvent aller de dizaines à des centaines de personnes.

Quelle part cette énergie représente-t-elle ?

La France fonctionne sur un modèle centralisé avec une nationalisation du marché de l’énergie et trois principaux producteurs et fournisseurs d’énergie qui se partagent 95 % du marché national : Électricité de France (EDF), Engie (Ex-GDF Suez) et Total Direct Énergie. Pour l’énergie citoyenne : Les Centrales villageoises ont une production annuelle d’électricité de 7 GWh.

En Allemagne, plus d’un tiers de la puissance installée des énergies renouvelables provient de citoyens

Énergie partagée a une production annuelle d’électricité de 1 109 GWh. Soit 1,116 TWh au total d'énergie citoyenne sur une production brute d’électricité renouvelable de 126 TWh en France en 2020, ce qui reste limité et traduit notamment la part de l’hydroélectricité. Par comparaison, en Allemagne, en 2019, plus d’un tiers de la puissance installée des énergies renouvelables provient de citoyens (30,22 %), par leurs propres installations et par des regroupements, notamment sous forme de coopératives énergétiques.

L’exemple des Centrales villageoises du Pays de Saverne

Créée le 8 juin 2017 sous forme de Société par actions simplifiées (SAS) à capital variable, elle compte cinq sociétaires. Son but ? Produire des énergies renouvelables sur le territoire de la communauté de commune du Pays de Saverne et quelques communes limitrophes qui ne sont pas couvertes par une autre centrale villageoise. Toute personne physique ou morale qui en fait la demande, sous réserve de l’agrément du conseil de gestion de la SAS peut devenir actionnaire. L’action a une valeur de 100 euros. La gouvernance est de type semi-coopératif. Au 1er janvier 2022, le capital s’élève à 66 000 euros, avec 134 actionnaires.

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