Par Marion Riegert
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Penser le territoire avec les entreprises autour de la notion de bien commun

Sobriété foncière, gestion de l’eau, développement économique, emploi… les acteurs publics et privés font face à différents défis territoriaux. Pour y répondre, Emilie Tardivel, chercheuse à la Faculté de théologie catholique, a produit un rapport proposant la création de collectifs à mission. Ce dernier a été présenté lors d’un colloque fin mai, intitulé « Entreprises et bien commun : quelle responsabilité territoriale ? ». Organisé en partenariat avec l’Ecole de management de Strasbourg et l’Eurométropole, il a réuni chercheurs, dirigeants économiques et responsables politiques.

Le rapport a été produit à la suite d’une étude de trois ans sur le sujet, expliquez-nous ?

La loi Pacte de 2019 oblige les entreprises à prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité. Dans le cadre de la chaire Institut catholique de Paris (ICP)-ESSEC Entreprises et bien commun dont je suis titulaire avec le chercheur Maurice Thévenet, nous avons voulu étudier la déclinaison territoriale de cette obligation. L’étude a duré trois ans et porté sur la France. Nous avons mené une première phase de cadrage théorique, avant de réaliser des auditions auprès de 120 acteurs publics et privés et un sondage Ifop consacré au regard des Français sur les entreprises et leur rôle dans le bien commun du territoire.

Pourquoi parler de bien commun ?

Le bien commun permet de dépasser les limites de la responsabilité sociale. Contrairement à cette dernière, il n’est pas hors-sol, mais renvoie au bien d’une communauté qui se constitue sur un certain espace. N’étant pas restreint au volontaire, mais étant la finalité de la loi, il implique aussi de dépasser le statu quo juridique propre à la responsabilité sociale. Enfin, le bien commun exige de mettre l’impact positif au cœur de l’activité des entreprises, alors que la responsabilité sociale reste généralement en marge des modèles d’affaires. 

Pour favoriser le bien commun du territoire, vous proposez des collectifs à mission ?

Le bien commun du territoire suppose une gouvernance partagée. C’est pourquoi notre rapport propose de structurer les démarches existantes ou initiatives nouvelles et de leur donner de la cohérence par le biais de collectifs à mission : un dispositif conventionnel souple pour la coopération d’acteurs publics et privés locaux autour de ressources spécifiques aux attentes du territoire et à l’activité des entreprises. Prenez la brasserie Licorne à Saverne, qui a réduit sa consommation d’eau de 25 % : l’impact économique de cette optimisation écologique était limité, mais l’entreprise avait néanmoins un intérêt à agir et cet intérêt était aligné avec celui du territoire. 

Le colloque visait à promouvoir le rapport à Strasbourg ?

Après une première présentation à Paris, le colloque visait à le faire connaitre à Strasbourg, notamment parce que la présidente de l’Eurométropole, première auditionnée dans le cadre du rapport, montre un grand intérêt pour le sujet. Nous voulions tester la proposition, connaître ce qui se faisait déjà en Alsace et voir si des collectifs à mission étaient prêts à se créer. 

L’événement est porté par la Faculté de théologie catholique, expliquez-nous pourquoi ?

A l’écoute des attentes du territoire et des entreprises, notre université s’intéresse à ces questions et souhaite qu’elles soient traitées de manière transversale. La Faculté de théologie catholique s’est donc positionnée sur le sujet, à l’aune d’un magistère social dans lequel la notion de bien commun est centrale, et propose depuis la rentrée un cours de développement durable et responsabilité sociale. Le colloque était ainsi l’occasion de créer des synergies en interne pour déployer à l’avenir de nouvelles formations et des recherches communes sur ces questions.

Un sondage Ifop commandé pour l’occasion

Après un premier sondage Ifop sur le regard des Français sur les entreprises et leurs territoires, 500 Alsaciens ont été interrogés sur cette question. Il en ressort que la culture de la coopération est très présente. Pour les interrogés, les acteurs indispensables du territoire sont à 83 % les collectivités locales, mais le moyen le plus crédible pour concilier création d’emplois et transition écologique sont les coopérations entre entreprises et collectivités locales. Dans les deux cas, c’est 8 % de plus que la moyenne nationale, détaille Emilie Tardivel. Autre spécificité : 69 % des Alsaciens disent que l’engagement des entreprises en faveur du territoire est un facteur positif pour son attractivité. C’est près de 10 % de plus que la moyenne nationale.

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