L’évolution s’invite en ville : s’adapter, tolérer ou décliner, comment les plantes répondent à l’urbanisation ?
Plantain lancéolé, trèfle des prés, luzerne lupuline et dactyle aggloméré… Quatre plantes présentes dans l’Eurométropole de Strasbourg ont été étudiées par une équipe de chercheurs du Laboratoire image ville environnement (Live - Unistra/CNRS/Engees). L’étude révèle que les plantes réagissent à l’urbanisation de trois manières : adaptation, plasticité et extinction locale.
Au sein de 60 friches, prairies et gazons de l’Eurométropole de Strasbourg, les chercheurs ont étudié quatre plantes : le plantain lancéolé, le trèfle des prés, la luzerne lupuline et le dactyle aggloméré. Objectif : observer les effets à long terme de l’urbanisation sur la biodiversité, et transmettre ces informations aux aménageurs urbains pour une meilleure prise en compte de leur impact écologique.
Première étape : mesurer certains caractères morphologiques comme l’épaisseur des feuilles, la taille des fleurs, le poids des graines et la hauteur des plantes. Ces données ont été mises en relation avec la fréquence des tontes, la chaleur urbaine, la dégradation des sols et la densité des bâtiments. Deuxième étape : récolter des graines sur site pour cultiver ces plantes dans des conditions similaires au sein du Jardin botanique de Strasbourg, et réeffectuer les mêmes mesures de caractères morphologiques.
La réponse majoritaire de ces plantes à l’urbanisation est la plasticité
Dès lors trois possibilités : si des différences morphologiques existent sur site et en jardin, les scientifiques considèrent que ces différences sont héréditaires et génétiques. Les plantes se sont donc adaptées à l’urbanisation. Au contraire, si ces différences ne sont plus observées en jardin, ils en concluent que les plantes s’accommodent aux conditions urbaines en modifiant leur forme (plasticité). Enfin, si l’absence d’une espèce dans certains contextes urbains est constatée, cela évoque une extinction locale.
Il ressort de cette étude que la réponse majoritaire de ces plantes à l’urbanisation est la plasticité. Pour ce qui est du plantain lancéolé, dans les sites les plus fauchés, il produit des feuilles plus fines. Le trèfle des prés lui va produire des individus plus petits, et ce afin de croître à l’abri de la tondeuse. C’est une réponse rapide et réversible au contexte urbain, mais qui entraîne des performances réduites. Le dactyle aggloméré et la luzerne lupuline, en revanche, faute d’adaptation et de plasticité, ont vu leur nombre décroître, suite à des fauches répétées.
La gestion et l’aménagement des villes doivent intégrer cette résilience
Au-delà des deux possibilités déjà mentionnées, l’équipe a pu démontrer qu’il existait une adaptation évolutive, qui est une réponse à long terme, impliquant une sélection d’individus les plus tolérants aux conditions locales. Par exemple, dans les quartiers souffrant le plus de l’effet « îlot de chaleur urbain », ce sont les dactyles agglomérés de petite taille qui s’adaptent le mieux. Il en résulte que cette espèce est susceptible de répondre au défi du réchauffement climatique.
Diminuer la fréquence de tontes permet à un plus grand nombre d’espèces de s’accommoder à l’environnement urbain
En définitive, la biodiversité en ville fait preuve de résilience par sa plasticité et son adaptation évolutive. Mais pour conserver des écosystèmes urbains riches, la gestion et l’aménagement des villes doivent intégrer cette résilience, et ses limites. Par exemple, diminuer la fréquence de tontes permet à un plus grand nombre d’espèces de s’accommoder à l’environnement urbain, et, à terme, de s’adapter à des conditions climatiques de plus en plus extrêmes.
Retrouvez la publication dans Journal of Ecology et le communiqué de presse
Pour aller plus loin, lire aussi : “Les friches, réservoirs de biodiversité”
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