Par Marion Riegert
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La sorcière, de la réalité historique à l’icône féministe

Présente dans l’imaginaire d’Halloween, la sorcière est une figure bien réelle. Récupérée par les mouvements féministes dans un contexte militant, l’image de la sorcière actuelle est bien loin de la réalité historique. Le point avec Maryse Simon, historienne et spécialiste du sujet au laboratoire Arts, civilisation et histoire de l'Europe (Arche).

Le phénomène de la chasse aux sorcières est utilisé à des fins politiques et sociales par les mouvements féministes, souligne d’emblée Maryse Simon pour qui le danger est celui de la simplification et de la réinterprétation de la réalité historique.

Fantasmée, la sorcière est souvent réduite à un archétype voire une caricature qui ne reflète pas une situation complexe, évolutive et diverse. Dans ce melting pot, chacune puise un peu partout, prend ce qu’elle veut, sans trop se documenter et diffuse des idées reçues issues de croyances syncrétiquement assemblées, poursuit la chercheuse.

Un esprit vengeur pour punir les hommes

Beaucoup de militantes soulignent ainsi que les attaques contre les femmes ont été lancées au 15e siècle par la publication du "Maleus Maléficarum", véritable bible de l’inquisition. Les termes "féminicide", "génocide" sont utilisés dans la littérature contemporaine alors que l'inquisition ne visait pas à exterminer toutes les femmes et que certains hommes étaient aussi incriminés, explique Maryse Simon qui précise que dans le militantisme actuel, il y a parfois un esprit vengeur pour punir les hommes comme s’il était possible de rééquilibrer, réparer le passé.

De nos jours, le terme sorcière renvoie à la croyance en la magie avec des pratiques rituelles personnalisées

Certaines autrices, se trompent également sur l’époque et placent la chasse aux sorcières au Moyen Age alors que c’est à l’époque moderne. Starhawk, écrivaine féministe parle de 9 millions de femmes accusées de sorcellerie, un chiffre complètement exagéré.

Apprendre à faire des filtres tout en parlant de produits ménagers

Parmi ces femmes, il y a un sentiment personnel d’être une sorcière et d’appartenir à un groupe. Dans les "witchcamps" d’été créés par Starhawk, elles réalisent des rituels de magie tout en apprenant la permaculture. Ailleurs, des réunions proposent d’apprendre à faire des filtres tout en parlant de produits ménagers réalisés à base de produits naturels.

Charmed, Ma sorcière bien aimée… Leur image correspond mieux aux modèles du 16e siècle. Une image de belle jeune femme sexualisée comme celle de Hans Baldung Grien. L’image de la vieille femme avec une verrue et un nez crochu du 19e siècle que l’on retrouve dans les Walt Disney par exemple correspondant à la juxtaposition de la figure de la sorcière avec celle de la vieille juive en lien avec la montée de l’antisémitisme, glisse la chercheuse.

Des sorcières 4.0

Dans la continuité des guérisseuses, ces sorcières actuelles reviennent au savoir des plantes, des minéraux en lien supposé avec les cultes païens, et avec une importance accordée aux planètes, cycles, solstices, équinoxes, et autres phénomènes naturels appliqués à l’aune de la magie. Certaines s’inscrivent dans la veine de l’éco-féminisme qui suppose que les femmes auraient une relation privilégiée avec la nature exploitée avec force par les hommes comme ils exploitent les femmes.

Répondre à des questions existentielles

D’autres, surfent sur la vague internet et les réseaux sociaux. Médium, tireuses de cartes… Ces sorcières 4.0 peuvent monter de véritables business. Dans leurs pratiques ce sont plutôt des magiciennes mais le terme fait plus charlatan. Dans ce cadre, la magie est utilisée pour répondre à des questions existentielles de la signification de la vie et du hasard.

Trois idées reçues sur la chasse aux sorcières

Dans un contexte chrétien, selon les démonologues, la sorcière est une personne qui agit sciemment pour nuire à l’aide du Diable. Maryse Simon nous livre trois idées reçues sur la chasse aux sorcières.

  • La chasse aux sorcières n’a pas débuté au Moyen Age mais au 15e siècle. On recense le plus grand nombre de procès de 1550 à 1650. Louis XIV y mit fin en 1682 même s’il y eut tout de même des cas tardifs comme celui de Bergheim en 1683. La Russie, elle, a prolongé les procès jusqu'au 18e siècle.
     
  • Les procès ne sont pas uniquement dus à l’inquisition. L’inquisition possède une hiérarchie qui dépend du pape. Il y a des pays d’inquisition. Là où elle se trouve, il y a paradoxalement moins de procès car elle ne s’intéresse pas à celles qui sont considérées comme de vieilles "bonnes femmes" superstitieuses mais aux hérétiques, à la vraie sorcellerie démoniaque. Les actes de sorcellerie sont dénoncés à la justice laïque sous l’impulsion des démonologues, les théoriciens de la chasse aux sorcières. Dans ce cas, les prêtres n’ont pas pouvoir de condamnation même si le prêche incite à surveiller et à dénoncer dans les églises.
     
  • L’accusée était rarement une vieille femme avec une verrue au bout du nez et un chaudron. Il y avait aussi des femmes jeunes, mariées, des hommes, sans forcément de tare physique. Ce n’est pas la vieille isolée vivant au fond des bois.

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