Par Elsa Collobert
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Guerre en Ukraine : un cycle de conférences pour dénouer les fils du conflit

Dans l’affrontement entre l’Ukraine et la Russie, c’est aussi une guerre de l’information qui se joue. Détricoter les ressorts de la propagande russe, remonter le fil historico-culturel des deux pays… Une fois passées la stupéfaction et l’émotion premières, des chercheurs de l’Université de Strasbourg souhaitent livrer des clés de compréhension au grand public. « Cela fait aussi partie de nos missions », nous explique Emilia Koustova, coordonnatrice du cycle « Зрозуміти*/Comprendre », elle-même spécialiste de la période soviétique au sein du Département d’études slaves.

Pourquoi ce cycle, et pourquoi maintenant ?

Dès les premiers jours après l’attaque russe sur l’Ukraine, avec mes collègues de la Faculté des langues, nous avons souhaité proposer des temps d’échanges avec nos étudiants. Leur besoin d’être rassurés et de comprendre était fort. Cela fait près de deux mois maintenant, mais la sidération est toujours aussi grande.

Cette série de conférence s’inscrit dans une démarche intellectuelle. Passée l’émotion, nous souhaitons proposer d’examiner les faits à tête reposée, donner des outils de compréhension et de réflexion, autant sur l’Ukraine que sur la Russie. Une aire régionale finalement mal connue. Le tout grâce aux outils de la recherche, qui sont ceux de l’université et s’inscrivent dans ses missions.  C’est de la connaissance que naît la réflexion, voire même, on peut l’espérer, une meilleure compréhension mutuelle. C’est en tout cas la pierre, aussi modeste soit-elle, que nous souhaitons apporter en ce moment.

A qui s’adressent ces conférences ?

Beaucoup de nos étudiants sont originaires de cette zone géographique qui a en commun l’héritage historique et linguistique russe : la Russie et l’Ukraine, mais aussi l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Moldavie… Ils sont les premiers vulnérables face aux fausses informations et à la propagande du pouvoir russe.

Mais au-delà, nous sommes convaincus qu’il y a un fort besoin d’information, de la part des étudiants, du personnel universitaire, et même au-delà du premier cercle universitaire.

Une vraie mine de ressources existe certes – articles, émissions, vidéos, podcasts – essentielle à un premier niveau de décryptage. Mais en proposant ce cycle, nous avons souhaité aller plus loin, en permettant aussi la rencontre directe et l’interaction avec nos interlocuteurs. Ils pourront répondre aux questions que les gens se posent.

Comment a été établi le programme ?

Le cycle compte quatre rencontres. Il débute dès ce 25 avril et dure jusqu’à la mi-mai.

Il nous a paru logique de débuter par une mise au point sur l’histoire de l’Ukraine, avec un spécialiste de cette question au Centre d’études franco-russe et à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), Thomas Chopard.

La dernière rencontre du 11 mai sera l’occasion d’explorer les langues et littératures ukrainiennes et russes, ainsi que leurs entremêlements, avec mes collègues Victoire Feuillebois, Olena Polovynko et Kateryna Tarasiuk – ces dernières sont Ukrainiennes. Des thématiques au cœur de nos travaux de recherche, au sein du Département d’études slave. Lors de ces rendez-vous, on pourra interroger les liens entre, d’une part, la construction de l’identité nationale et, d’autre part, la langue et la littérature, mais aussi aborder la manipulation de l’histoire russe par le président Poutine, dont l’appel à la « dénazification » pourrait conduire à une visée génocidaire, à tout le moins une volonté d’anéantissement totale de la culture et de l’identité ukrainiennes.

Nous passerons au crible la question de l’information en temps de guerre

Très vite, la nécessité d’examiner la guerre de l’information qui se joue s’est aussi imposée. La mobilisation de nos contacts et ceux du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) nous ont permis d’inviter, lors des rencontres des 4 et 10 mai, deux journalistes français, Denis Strelkov et Romain Mielcarek, qui ont travaillé pour les médias français sur le terrain en Ukraine, ainsi que Ioulia Berezovskaïa (co-fondatrice du média indépendant Grani.ru / Грани.Ру, exilée en France). En croisant leurs témoignages avec le regard de chercheurs, notamment Christophe Deleu (CUEJ) et Françoise Daucé (Ecole des hautes études en sciences sociales-EHESS), nous passerons au crible la question de l’information en temps de guerre. Si son impartialité est partout menacée, en Russie une véritable censure de guerre est désormais instaurée, qui, sans empêcher complètement l’accès aux informations indépendantes, étouffe toute expression d’opinions critiques, conduisant à la fragmentation extrême de l’opinion russe, polarisée entre honte, minimisation voire déni pur et dur. Mais n’est-ce pas justement cela que cherchait le pouvoir ?

* « Comprendre » en ukrainien, se prononce « zrozoumity »

4 rencontres pour mieux comprendre la guerre en Ukraine et la situation en Russie

  • "Faire l’histoire de l’Ukraine à l’heure des falsifications", Thomas Chopard [Historien, Centre d'études franco-russe (CREE/Inalco)], lundi 25 avril, 18h30, Salle Pasteur, Palais Universitaire
  • "Informer en temps de guerre", Denis Strelkov [journaliste au sein de la rédaction en russe de RFI], Romain Mielcarek [journaliste indépendant, spécialisé en défense et terrains de guerre], Christophe Deleu [Professeur des Universités en sciences de l’information et de la communication, CUEJ, Unistra], mercredi 4 mai, 18h30, Salle Pasteur, Palais Universitaire
  • "Que savent les Russes ? ", Ioulia Berezovskaïa [journaliste russe exilée], Françoise Daucé [Directrice d'études de l'EHESS, Directrice du Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen – CERCEC], Emilia Koustova [Maîtresse de conférences au département d’études slaves, Unistra] mardi 10 mai à 18h30, Amphithéâtre 3, Le Patio
  • "Langue et littérature au croisement des nations : le cas de l’Ukraine et de la Russie", Victoire Feuillebois [Maîtresse de conférences en littérature russe, Unistra], Olena Polovynko [Attachée temporaire d'enseignement et de recherche au département d’études slaves, Unistra], Kateryna Tarasiuk [lectrice au département d’études slaves, Unistra], mercredi 11 mai à 17h, Amphithéâtre 6, Le Patio

Attention, le programme définitif est encore en cours de construction, les lieux sont susceptibles de changer !

Le cycle est porté par le Jardin des sciences de l’Université de Strasbourg, sous la responsabilité scientifique d’Emilia Koustova.

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