Par Marion Riegert
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Egalité, parité, diversité : « Le diable se cache dans les détails »

Le colloque annuel de la Maison interuniversitaire des sciences sociales et des humanités d'Alsace (Misha), qui s’est déroulé fin novembre, portait sur les inégalités dans et en recherche. Parmi les intervenants, Camille Fauth, vice-présidente Égalité, parité, diversité et lutte contre les discriminations, est intervenue dans la table ronde « Regards croisés sur les inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche ». L’occasion de faire le point sur la Mission égalité, parité, diversité.

Quel est le périmètre de la mission ?

Elle s’adresse à l’ensemble des personnels ainsi qu’aux étudiantes et étudiants de l’Université de Strasbourg. Depuis la loi du 25 juillet 2025, qui enjoint les universités à lutter contre le racisme, l’antisémitisme et l’ensemble des formes de discrimination, son périmètre s’est explicitement élargi pour intégrer toutes les dimensions de la “diversité”. Forte de dispositifs éprouvés en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, l’Université de Strasbourg élargit désormais son action aux questions de genre, à l’inclusion des personnes LGBTQIA+*, à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, ainsi qu’au handicap, pour prévenir et repérer plus finement toute situation d’inégalité. 

De quels outils dispose la mission ?

La mission s’appuie sur le Plan d’action pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (2025-2027), un document que toutes les universités doivent élaborer. Plus spécifiquement, à l’échelle de l’Université de Strasbourg, les enjeux d’égalité sont intégrés dans plusieurs cadres structurants, tels que le Schéma directeur des ressources humaines, le Schéma directeur du handicap et le Schéma de la vie étudiante du site Alsace. Il s’agit d’une question profondément transversale, qui exige des actions coordonnées et l’implication de nombreux acteurs et actrices. 

Un réseau de correspondantes et correspondants égalité

Outre l’équipe de la mission, nous pouvons compter sur un réseau solide de correspondantes et correspondants égalité présents dans les facultés, écoles, instituts, services et laboratoires de recherche. Leur expertise, conjuguée à celle des personnels travaillant sur ces thématiques, constitue un levier essentiel pour renforcer l’efficacité et la pertinence de nos actions. 

Quelles actions sont mises en place ?

Nous suivons la loi et veillons au respect de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le recrutement, le suivi ou le déroulement des carrières. Nous menons également différentes actions de sensibilisation, et proposons des formations que nous travaillons à élargir à toutes les formes d’inégalités. Nous avons aussi une cellule d'écoute et d'accompagnement dédiée aux victimes et témoins de violences et de discriminations. 

Est-ce qu’il y a eu des progrès ?

Nous publions chaque année notre index égalité. Le rapport de situation comparée montre que globalement, la situation évolue positivement, même si des disparités persistantes demeurent : le diable se cache dans les détails. Les progrès restent nécessaires dans l’ensemble des domaines. La proportion d’hommes parmi les professeurs demeure plus élevée, les femmes sont encore surreprésentées en catégorie C, certaines formations restent très genrées, et les femmes continuent d’être davantage concernées par les congés pour enfant malade, avec des effets possibles sur le déroulement de leur carrière ou sur leurs possibilités de publication. 

Quels sont les freins éventuels, les résistances ?

Le premier frein, je l’appelle « ce n’est pas notre métier ». L’égalité est vue comme un sujet périphérique par rapport aux missions « principales » de l’université que sont la recherche et la formation. Le second, qui s’appuie sur les chiffres globaux, c’est que l’on serait déjà exemplaires. L’université est un lieu de savoirs donc il n’y aurait pas de problèmes… 

Tout le monde ne va pas à la même vitesse

Il est par ailleurs difficile de mettre en place des formations obligatoires. L’université est aussi une très grande structure divisée en plein d’entités différentes dont chacune à sa culture. Tout le monde ne va pas à la même vitesse. Enfin, il y a les moyens. Dans un contexte budgétaire restreint, il faut travailler avec des budgets contraints.

Un mot pour finir ?

Il faut que ces questions deviennent l’affaire de tous : un environnement sécurisé favorise les études, le travail et la recherche. Chacune et chacun doit pouvoir exercer en sécurité et avec la reconnaissance de son individualité. Il serait dommage de se passer de talents sur des a priori qui n’ont rien de scientifique !

* Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexués, asexuels

Le colloque sur les inégalités dans et en recherche

Le colloque organisé par la Misha s’est tenu sur deux journées, les 18 et 19 novembre derniers, en présence notamment de nombreux étudiants. Il a réuni une trentaine d’intervenants, parmi lesquels des figures connues comme la sociologue et écrivaine Pinar Selek et l’intervention remarquée de la procureure de Strasbourg, Clarisse Taron.

Inégalités scolaires, raciales, ethniques, d’origine, de handicap, de genre, d’accès au soin… de nombreux chercheurs s’intéressent aux questions d’inégalité. Il était important pour nous de faire une focale pour fédérer et partager les travaux de recherche sur ce sujet, au sens large et de façon pluridisciplinaire. L’idée étant aussi de montrer comment les chercheurs aident à avancer sur ces questions, explique Nicolas Moizard, directeur de la Misha, qui précise que le colloque porte également sur les inégalités dans l’enseignement supérieur et la recherche et ce qui les génère. Comment l’université produit du racisme, du sexisme, des disparités entre les disciplines, quelles sont les violences subies par les étudiants… ? Qu’est-ce qui cause les inégalités pendant le doctorat, d’accès aux postes, de financement ou encore de terrain de recherche, par exemple dans le cas d’un pays en guerre ?

Et après ? Nous aimerions poursuivre le dialogue entre tous ceux qui travaillent sur les inégalités au sein de l’université. Il manque de plus en plus d’espaces de discussion. Durant le colloque, nous avons pu échanger et travailler sur des sujets sensibles, avec beaucoup de bienveillance. En acceptant les divergences d’opinion.

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