Par Elsa Collobert
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« Couper dans le budget des universités, c'est amputer l'avenir »

Près d'un milliard d'euros en moins : actée le 22 février, l'annulation de crédits annoncée quelques jours plus tôt par Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et du Budget, touche tous les ministères. « Mais particulièrement l'enseignement supérieur et la recherche (ESR) », tonne Michel Deneken, président de l'Université de Strasbourg et de l'alliance Udice. « Un message particulièrement négatif envoyé aux étudiants et aux chercheurs », dans un contexte où, au contraire, « il faut investir pour l'avenir ».

Comment avez-vous réagi à l'annonce des coupes budgétaires ?

Avec surprise et incompréhension. Cela est en contradiction totale avec le discours du chef de l'État du 7 décembre 2023 sur la recherche publique. En moins de trois mois, on est passé de l'enthousiasme, de la promesse radieuse d'une nouvelle stratégie, aux coups de rabot.

Ce sabrage de 904 millions d'euros pour 2024, par décret gouvernemental (correspondant peu ou prou à l'augmentation annuelle allouée par la Loi de programmation de la recherche, votée en 2020), est-il consécutif à la baisse de la démographie étudiante ? Aucune explication n'est donnée, à part la croissance du PIB moins forte que prévu.

Les notifications initiales de Subventions pour charges de services publics (SCSP) du ministère sont tombées jeudi 14 mars. La notification initiale ne traduit pas, pour l’instant, de diminution du financement pour notre établissement, mais c’est le cas pour certaines universités et les diminutions sont à craindre pour les notifications définitives.

L'État promet que le fonctionnement ne sera pas impacté. Votre avis ? 

Le gouvernement se veut rassurant, en disant que l'essentiel des annulations de crédits relèvent de jeux d’écritures, à savoir qu’on préempte les réserves de précaution, d’autres dépenses seront compensées par les fonds de roulement, sommes mises de côté à chaque début d'exercice budgétaire.

Or, cela fait des années qu'à nos besoins financiers, pour soutenir l'augmentation du point d'indice ou la hausse de la facture d'énergie, l'État nous oppose l'argument de la ponction dans ces réserves de précaution : faut-il rappeler que ces réserves sont réglementaires, imposées par l'État lui-même, avec une fonction bien précise de « précaution », justement ? Nous ne pourrons y puiser indéfiniment.

Le message politique, sociétal envoyé est très négatif

Je ne vois pas comment les conséquences d'un milliard d'euros en moins sur un budget pourraient ne pas se ressentir...

Au-delà des fonds de roulement, on sait d'ores et déjà que des secteurs-clés sont visés...

On sait déjà que la vie étudiante est amputée de 125 millions d'euros, même chose en formation. Alors même qu'à son arrivée au ministère, Sylvie Retailleau avait affiché ce chantier comme prioritaire, avec notamment une revalorisation et remise à plat du système des bourses et des différentes aides. Là encore, une incohérence totale, non seulement avec les discours, mais aussi avec la réalité de terrain. On connaît l'ampleur de la précarité étudiante, la situation tendue du logement, la difficulté parfois à se nourrir, et l’obligation de cumuler études et emploi, c'est un non-sens de vouloir économiser là-dessus. Le message politique, sociétal, envoyé est très négatif.

Nous décrochons en recherche, et quelle réponse recevons-nous ? Moins de moyens

Pour la recherche, l'argent investi à l'heure actuelle nous permet à peine de maintenir notre rang, dans un secteur à la concurrence internationale très rude. Autour de nous en Europe, on ne se fait plus seulement damer le pion par l'Allemagne, mais aussi par l'Espagne, l'Italie. Dans ce contexte, stagner c'est régresser, L'université, mais aussi le CNRS, tous les acteurs de l'écosystème recherche sont touchés. Nous décrochons et quelle réponse recevons-nous ? Moins de moyens.

Je l'ai déjà dit, je le redis : financer l'enseignement supérieur et la recherche n'est pas une dépense mais un investissement, un pari forcément gagnant sur l'avenir : un euro investi dans l'ESR, c'est quatre euros de retombées pour le territoire.

Budget des universités : vers un changement du mode de calcul ?

Le budget des universités en France continue d'être réparti par l'Etat en fonction de leur nombre d'étudiants. Une méthode anachronique, qui a fait son temps, estime Michel Deneken, dans un contexte où les universités de recherche intensive font face à des dépenses techniques incompressibles pour leurs équipements.

Pour cette raison, France Universités planche à une refonte des règles de calcul de la répartition des budgets universitaires.

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