Par Marion Riegert
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Comportements verts et bonheur : un possible double bénéfice

Francis Munier, chercheur au Bureau d'économie théorique et appliquée (Beta*) travaille sur la relation entre économie du bonheur et attitude verte. Loin des discours alarmistes et anxiogènes, il explique pourquoi adopter des comportements écologiques pourrait rendre plus heureux.

C’est quoi l’économie du bonheur ?

L’économiste américain Richard Easterlin a montré un paradoxe. En moyenne, les personnes sont plus heureuses dans les pays riches mais si l’on compare l’évolution sur le long terme du taux de croissance économique avec celle du bien-être subjectif, il n’y a pas de relation. A partir de ce paradoxe, beaucoup de recherches sont nées autour du bonheur en lien avec différentes thématiques comme l’environnement. La mesure du bonheur repose sur une approche psychologique via le bien-être subjectif, la qualité de vie des individus plutôt qu’uniquement des indicateurs comme le PIB ou les revenus.

Les études montrent aussi que l’augmentation de la pauvreté relationnelle, notamment aux Etats-Unis entraine un besoin de consommer de façon défensive, ce qui nécessite d’avoir plus de revenus et donc de travailler plus. Un effet d’enchainement favorable à la croissance économique mais défavorable au bien-être des individus et à l’environnement.

Pourquoi et comment vous êtes-vous intéressé au lien entre économie du bonheur et comportements verts ?

Je lisais beaucoup d’articles et des analyses anxiogènes nécessitant des sacrifices et une perte de bien-être pour lutter contre le changement climatique. Plutôt que d’avoir un récit négatif, il est plus incitatif de montrer que les personnes adoptant des comportements verts sont plus heureuses, et rendre ainsi l’écologie désirable. Pour l’étudier, j’ai mené une première recherche conceptuelle et une revue de la littérature. Un questionnaire dont l’analyse est en cours a également été mis en ligne sur la notion d’éco-anxiété – bonheur.

Qu’avez-vous mis en évidence à travers ces premières recherches ?

Plus l’engagement est important plus les personnes sont heureuses

Prendre des douches froides, les transports en commun, acheter un véhicule électrique, trier, consommer local, réduire sa facture énergétique, s’engager dans une association verte, ou encore être éco-entrepreneur… Les études montrent que plus l’engagement est important, qu’il soit en coût monétaire ou non monétaire, plus les personnes sont heureuses. Ce qui s’explique par le fait qu’elles se sentent reconnues par d’autres individus et la société pour leurs actions. Ma recherche repose ainsi sur le concept philosophique de reconnaissance avec une contribution à paraître dans le World Book of Happiness. Ce bonheur correspond au bonheur eudémoniste, qui peut être résumé par « La vie est belle », issu d’un sentiment d’utilité par opposition au bonheur hédoniste qui peut être résumé par : « On passe un bon moment ». Tout cela montre que l’on peut aboutir à un double dividende : réduire son impact écologique et être plus heureux. Ainsi, plutôt que d’utiliser un récit sacrificiel, les leaders devraient changer leur narration en amenant les choses du côté positif.

  • Retrouvez la tribune de Francis Munier dans Le Monde.

*Unistra / CNRS / Université de Lorraine / Inrae / AgroParisTech

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