Par Marion Riegert
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Analyser la composition isotopique des pesticides pour étudier leur dégradation dans l’environnement

La France utilise des pesticides sur 86 % de ses surfaces cultivées. Pour suivre leur devenir dans l’environnement, et faciliter leur analyse, Jérémy Masbou, enseignant-chercheur de l'Engees*, rattaché à l'Institut Terre et environnement de Strasbourg (Ites - CNRS/Unistra/Engees), a créé une base de données internationale Isotopest qui référence plus de 650 compositions isotopiques de pesticides.

Herbicides, fongicides ou encore insecticides, analyser la composition isotopique* d’un pesticide dans l’environnement donne des informations précieuses aux chercheurs pour évaluer la persistance de ces substances et mieux comprendre les processus de dégradation. Tous les mécanismes auxquels les pesticides sont exposés et qui permettent leur élimination modifient leur composition isotopique de départ et permettent de suivre l’historique du pesticide, comment il a été appliqué, dégradé, par quel processus (rayonnement solaire, bactéries ou action de l’eau)…, précise Jérémy Masbou.

Garder une trace des formulations pour les générations futures

Une méthode originale, d’ordinaire utilisée pour analyser les polluants industriels, qui nécessite une connaissance des compositions isotopiques de base des pesticides appliqués. La base de données internationale ouverte et participative Isotopest propose ainsi de référencer ces compositions. Le but sur le long terme étant aussi de garder une trace des formulations pour les générations futures de chercheurs.

Une démarche collaborative

Dans une démarche collaborative, les chercheurs ont pu collecter la grande majorité des 120 pesticides commercialisés grâce à un travail avec les agriculteurs, mais aussi le Comptoir agricole, une coopérative agricole en Alsace. Sans oublier une recherche bibliographique. Tout cela nous a permis de recenser 650 compositions isotopiques dont 150 échantillons sont stockés en chambre froide au sous-sol de l’Ites.

A partir de ces données, les scientifiques ont réalisé des analyses statistiques. Nous avons noté que quel que soit le fabricant du pesticide appliqué, la composition isotopiques des molécules actives change peu, ce qui facilite les analyses et l’utilisation de notre approche.

Travailler avec les gestionnaires de l’eau

Ces travaux sur les pesticides s’inscrivent plus généralement dans le cadre d’un projet Decisive. Financé par l’Agence nationale de la recherche, il est mené par l’Ites en collaboration avec le Laboratoire de chimie de l’environnement (LCE) de Marseille et l’unité mixte de recherche Agroécologie de Dijon.

Orienter les recherches, notamment dans la nappe phréatique, vers les métabolites correspondants

Nos analyses permettent également d’orienter les recherches, notamment dans la nappe phréatique, vers les métabolites correspondants. Ces derniers apparaissent après la dégradation des molécules des pesticides, et sont parfois plus persistants et plus toxiques que les molécules mères, précise le chercheur.

Nous travaillons avec les gestionnaires de l’eau, sur certains captages contaminés, pour leur permettre de savoir si l’on est au début ou à la fin de la contamination et si la source pourra être réutilisable prochainement. L’idée est d’informer sur le devenir des pesticides dans l’environnement, une voie de dégradation majoritaire peut orienter vers une voie de traitement, conclut Jérémy Masbou.

*Engees : École nationale du génie de l'eau et de l'environnement de Strasbourg
*Les isotopes sont des atomes possédant le même nombre d’électrons mais un nombre de neutrons différents

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