Par Elsa Collobert
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Sur les traces des Poilus de Saint-Pierre-et-Miquelon

En master 2 Histoire et civilisations, Alexandre Fouchard-Borotra s’est lancé dans un projet de recherche à la croisée de l’histoire sociale et de ses racines : éclairer d’un jour nouveau la période de la Première Guerre mondiale (1914-1918) à Saint-Pierre et Miquelon, dont il est originaire.

242 km² de terres françaises, baignées par l’Atlantique Nord : Saint-Pierre et Miquelon est un archipel de pêcheurs, traditionnellement marqué par l’économie de la morue. Peut-être est-ce le même esprit aventureux qui a poussé Alexandre Fouchard-Borotra à venir étudier à Strasbourg et à choisir un domaine encore peu exploré.

Mon choix s’est porté sur une destination très à l’est de l’Hexagone ; c’est vrai que mes camarades choisissent plutôt la côte Atlantique française pour poursuivre leurs études – Nantes, La Rochelle – ou alors le Québec voisin… 

Défi

Côté recherche, encore un défi pour celui qui a choisi l’histoire en première année de licence, en 2021 : La Première Guerre mondiale représente un grand trou dans notre histoire locale. À l’école, on étudie davantage la chronologie métropolitaine, ou encore la période de la prohibition en Amérique du Nord.

Alexandre Fouchard-Borotra s’est donc donné pour mission d’éclairer d’un jour nouveau la période 1914-1918 de ce côté de l’Atlantique. Une responsabilité qui pèse sur ses épaules : Je sens que là-bas, on attend de moi des résultats ! 

L’idée a germé dans sa tête en troisième année de licence. C’est donc armé de tout son enthousiasme qu’il s’est lancé dans « l’épluchage des archives pour retrouver la trace des Poilus de Saint-Pierre-et-Miquelon : celles d’outre-mer, à Aix-en-Provence ; mais aussi locales, à Saint-Pierre, issues du cabinet de l’Administrateur – malheureusement en partie détruites par un incendie, en 1992 ».

Il a pu établir que 650 Saint-Pierrais et Miquelonnais (volontaires et conscrits) ont quitté l’archipel pour l’Europe au cours du conflit (soit 15 % de la population totale), tandis que d’autres ont rejoint les rangs des armées américaine et canadienne, dès 1914.

Mais au-delà des faits historiques, ce qui anime l’étudiant, c’est débusquer la petite histoire sous la grande : j’ai d’abord pensé à étudier le thème de l’ennui dans la Grande Guerre. Sur les conseils de mon directeur de mémoire, Alexandre Sumpf, j’ai élargi la thématique, explique celui qui confesse bien volontiers un grand intérêt pour la sociologie.

Colonie française

N’oublions pas qu’en 1914, Saint-Pierre-et-Miquelon, aujourd’hui collectivité d’outre-mer dotée d’une certaine autonomie économique et politique, est encore une colonie française, la dernière d’Amérique du Nord. Comment se considéraient les Saint-Pierrais et Miquelonnais vis-à-vis de la métropole ? De leurs contemporains coloniaux ? 

Une des nombreuses questions qui animent l’étudiant en histoire, aux côtés de nombreuses autres : Quels étaient la vie et le ressenti des civils, femmes et des enfants, dans l'archipel ? Comment la vie quotidienne a-t-elle repris dans les années qui ont suivi le conflit ? Cette approche est d’autant plus complexe que les années d’avant-guerre sont marquées par une forte émigration, liée à la crise économique, avec une population qui chute à 4 500 habitants.

Lire entre les lignes 

Pour mener son ambitieux travail sur la mémoire, celle qui a été transmise et surtout celle qui a été tue, Alexandre Fouchard-Borotra a pris l’habitude de lire entre les lignes des nombreuses cartes postales à sa disposition. « On a surtout gardé trace des cartes envoyées par les soldats à leurs familles. » Une correspondance à sens unique qu’il a tenté de compléter avec des témoignages. Si l’appel lancé sur les ondes des radios de l’archipel et dans la presse ne s’est pas traduit par une vague de contacts, Alexandre Fouchard-Borotra garde espoir, et le temps long, celui de la recherche, pour horizon.

En attendant, le Saint-Pierrais semble avoir trouvé un port d’attache loin des rives du Saint-Laurent : J’adore Strasbourg, son dynamisme, sa vie étudiante… Il s’imagine volontiers s’ancrer ici, sur les rives du Rhin, pour faire carrière dans le domaine des bibliothèques et de la documentation.

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