Par Marion Riegert
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Séismes : nouvelle avancée dans la compréhension du phénomène de liquéfaction des sols

Au Japon, le tremblement de terre de 2011 a entrainé des phénomènes de liquéfaction des sols dans la baie de Tokyo, soit à plusieurs centaines de kilomètres de l’épicentre du séisme. Dans une étude parue dans Nature Communications, des chercheurs de l’Institut Terre et environnement de Strasbourg (Ites - CNRS/Unistra/Engees) et de l’Université de Jérusalem se sont penchés sur ces phénomènes qui ont régulièrement lieu pendant les tremblements de terre. Explications avec Renaud Toussaint, directeur du laboratoire.

Qu’est-ce que la liquéfaction des sols ?

Lorsqu’il y a un tremblement de terre, la liquéfaction des sols a lieu régulièrement dans certains sols meubles ou saturés en eau, au bord de l’océan, de lacs ou encore de rivières. Le phénomène, proche dans son principe de celui des sables mouvants, dépend également de la composition du sol en lui-même, de la taille des grains, la position de la nappe phréatique… Il se manifeste par un affaissement du sol, entrainant l’enfoncement ou le basculement des structures, immeubles ou autres, qui pourraient se trouver à cet endroit. Dans une étendue vide, il peut se traduire par la présence de boue qui jaillit et se dépose en monticules appelés « volcans de boue », ou faire ressortir des structures enterrées. Si le lieu est situé sur une pente cela peut également entrainer des glissements de terrain.  

Que sait-on du phénomène ?

Le phénomène est étudié mais pas parfaitement compris. Traditionnellement, la liquéfaction est considérée comme un processus non drainé, c'est à dire dans lequel le liquide ne peut sortir du sol, qui est un solide poreux. Les tests existants en géotechnique sont ainsi d’ordinaire réalisés sur des supports fermés dans lesquels l’eau ne peut pas s’écouler dans le sol et à des densités d'énergie élevée, avec de fortes secousses. Lorsque ces sols sont secoués, ils se déforment et se compactent petit à petit, la pression de l’eau captive monte dans ses pores dont la taille se réduit.

Une grande partie des événements de liquéfaction dus aux tremblements de terre se déclenchent loin de l'épicentre du séisme

L’eau finit par porter la charge à la place des grains solides ce qui lubrifie le sol. Problème, les observations montrent qu’en plus des évènements de liquéfaction de sols proches des épicentres, avec une densité d’énergie de vibration élevée, une grande partie des événements de liquéfaction dus aux tremblements de terre se déclenchent loin de l'épicentre du séisme, sous une faible densité d'énergie, avec de petites vibrations – ce qui est hors des conditions explorées par la description traditionnelle.

Quelle est l’originalité de cette nouvelle étude ?

Cet article montre que la liquéfaction peut se produire dans des conditions drainées. Nous avons travaillé sur des expériences dans lesquelles l’eau peut s’écouler à travers le sol, et en sortir ou rentrer à la surface. L’écoulement en eau va exercer des forces sur les grains formant la frontière des pores. Si le sol drainé est secoué assez fort, cela va bousculer les arches de force entre les grains, qui forment des structures plus ou moins stables. Les grains, plus denses que l’eau, vont alors descendre, ce qui va faire monter l’eau. Les recherches sur le sujet se poursuivent sur des milieux plus complexes avec des sols hétérogènes, ou avec des séries de secousses sismiques. Il reste beaucoup d’éléments à explorer encore. Et ce afin de mieux prévenir et prendre en compte ces mécanismes dans les constructions pour limiter les risques en cas de tremblements de terre.

  • Retrouvez la publication réalisée dans le cadre de la thèse de Shahar Ben-Zeev, encadrée par les trois autres coauteurs, en cotutelle entre l'Université de Strasbourg et l'Université hébraïque de Jérusalem.

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