Quand un séisme en Turquie déclenche un glissement de faille silencieux à 1 000 km de distance
En février 2023, le séisme de Kahramanmaraş en Turquie a eu des effets bien au-delà de ses frontières. Une équipe de l’Institut Terre & environnement de Strasbourg (Ites - Unistra/CNRS/Engees) en collaboration avec le Laboratoire de géologie de l’Ecole normale supérieure, Paris (ENS - CNRS/PSL), montre qu’il a déclenché à plus de 1 000 km de distance un glissement de faille équivalent à un séisme de magnitude 6… mais sans produire d’ondes sismiques. Cette découverte, publiée dans Science, met en évidence le rôle des fluides dans la croûte sur l’activation de failles tectoniques.
Le séisme turc de février 2023 a eu des répercussions jusque dans le bassin de Kura, situé à l’est de la mer Caspienne, dans la région du Caucase, en provoquant un glissement de faille dit asismique. Contrairement aux séismes classiques, les glissements asismiques ne génèrent pas d’ondes sismiques, bien que les mouvements mesurés en surface puissent atteindre plusieurs dizaines de centimètres.
Dans cette région riche en volcans de boue et en fluides pièges dans les sédiments, les chercheurs ont enregistré un déplacement de 1 000 km sans secousse perceptible en surface et sans signaux significatifs sur les sismomètres de la région. Un tel déplacement équivaut à ce que l’on observe dans un séisme de magnitude 6.
Des failles lubrifiées
Si le rôle des fluides a déjà été proposé pour expliquer les glissements sismiques dans les interfaces de subduction, c’est-à-dire en profondeur, peu d’observations directes permettaient de le confirmer. Dans le bassin de Kura, les cartes de déplacements de la surface du sol obtenues par interférométrie radar à partir d’images satellitaires, complétées par les mesures GPS et sismologiques locales, révèlent que les ondes venues de Turquie ont provoqué une mise en mouvement des fluides contenus dans le bassin sédimentaire, déclenchant des glissements silencieux sur les failles. L’impact direct du séisme turc sur le système hydro-géologique du bassin de Kura est en effet révélé par plus de 55 volcans de boue ayant présenté des signes de déformation ou/et d’éruption.
Vers une nouvelle compréhension des effets à distance de séismes majeurs
Ces résultats montrent que de grands séismes peuvent avoir des effets bien au-delà de leur zone de rupture, modifiant la dynamique de failles situées à plusieurs centaines de kilomètres.
Ces résultats ouvrent ainsi la voie à une intégration plus fine des effets à longue portée des séismes dans les modèles tectoniques et à une évaluation plus précise de leur impact global sur l’évolution des zones sismiques.
- Retrouvez la publication dans Science et l'article paru dans The Conversation
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