Par Simon Tenaud
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Quand stratégie thérapeutique rime avec mécanique

Et si le système immunitaire était aussi une histoire de mécanique ? La progression tumorale est rythmée par de nombreux paramètres biomécaniques qui favorisent ou freinent la formation de métastases, ces tumeurs secondaires résultant de la dissémination de cellules tumorales par la circulation sanguine. Les équipes de Jacky Goetz du laboratoire Immuno-rhumathologie moléculaire (IRM - Inserm/Unistra) et Li Tang (École polytechnique fédérale de Lausanne) ont associé leurs expertises pour proposer un tour d’horizon des avancées récentes en la matière dans la revue Nature Nanotechnology.

La croissance d’une tumeur primaire, à partir de laquelle pourront s’échapper des cellules cancéreuses pour former des métastases ailleurs dans le corps, s’accompagne de changements mécaniques qui ont globalement trait à la rigidité des tissus alentours, au comportement des fluides dans lesquels la tumeur baigne et aux propriétés mécaniques des cellules tumorales. Ces altérations, que l’on retrouve parfois dans d’autres types de pathologies (comme les fibroses), peuvent freiner l’infiltration de cellules immunitaires et donc ralentir la guérison des tissus.

La bonne nouvelle, c’est que l’ensemble des différentes cellules immunitaires – comme les lymphocytes – sont sensibles à ces forces biomécaniques : de nombreuses études rapportent qu’elles adapteraient leurs réponses aux différentes stimulations mécaniques qu’elles rencontrent, et notamment la rigidité de la cellule cancéreuse ciblée. Les cellules tumorales plus souples seraient ainsi moins sensibles aux tentatives de destruction induite par l’activité dite « cytotoxique » des cellules immunitaires.

Identifier des « fenêtres » pour moduler et maximiser la réponse immunitaire 

Il apparaît donc qu’à certains stades du développement des métastases, selon l’évolution de la rigidité des cellules tumorales, le système immunitaire puisse être plus ou moins efficace pour les éliminer. Dès lors, l’enjeu est d’identifier précisément les moments optimaux auxquels les cellules immunitaires seraient le plus à‑même d’atteindre leur cible, et a contrario les stades où il conviendrait de compenser les lacunes de notre arsenal de défense.

Au moins trois aspects liés à ces caractéristiques mécaniques pourraient être modifiés afin de maximiser la réponse immunitaire face aux pathologies cancéreuses. Les deux premières portent sur la tumeur ou son environnement immédiat, qu’il s’agirait soit de rendre plus facilement accessible aux cellules immunitaires en ciblant des points d’entrée stratégiques, soit de rendre plus rigides et donc plus vulnérables au système immunitaire. La troisième voie, elle, se focalise sur les cellules immunitaires : l’objectif consiste alors à les modifier pour faire basculer le rapport de force en leur faveur, et ainsi potentialiser la perforation des cellules tumorales.

Objectif, à terme : ajouter une nouvelle corde, mécanique, à l’arc des immunothérapies

La mise en place de telles stratégies thérapeutiques prometteuses, visant à exploiter ces caractéristiques mécaniques du système immunitaire, nécessitera néanmoins que les outils permettant la visualisation et la mesure des forces associées à l’activité des cellules immunitaires continuent d’être développés, souligne Jacky Goetz, qui dirige l’équipe Biomécanique des tumeurs. Objectif, à terme : ajouter une nouvelle corde, mécanique, à l’arc des immunothérapies.

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