Les primates ancestraux vivaient en paires
A la Saint-Valentin les couples sont à l’honneur, l’occasion de se pencher sur une publication dans la revue scientifique PNAS qui a balayé une théorie bien établie : les ancêtres des primates ne vivaient pas seuls mais par paires. Une découverte réalisée par des scientifiques dont Charlotte-Anaïs Olivier dans le cadre de sa thèse sous la direction de Carsten Schradin soutenue en 2023 à l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC - Unistra/CNRS).
Exit l’image du singe solitaire, bonjour vie par paire. Il y a 70 millions d’années, 85% des ancêtres des primates vivaient par paires c’est à dire un mâle avec une femelle
, souligne Charlotte-Anaïs Olivier qui précise que la vie par paire désigne une organisation sociale. Elle diffère du couple désignant plutôt le système de reproduction.
Pour parvenir à ce résultat, la doctorante s’est penchée sur l’évolution de l’organisation sociale et sa variabilité chez les mammifères et plus spécifiquement les espèces de primates peuplant notre planète actuellement. Soit 445 espèces. Carsten Schradin travaille sur les souris rayées d’Afrique, il a vu qu’en fonction de leur environnement, elles pouvaient changer d’organisation sociale et ainsi vivre seules ou en groupes. Il s’est ensuite demandé si ces observations pouvaient s’appliquer à tous les mammifères.
Une base de données
Charlotte-Anaïs Olivier débute ses travaux en 2019 et étudie les publications portant sur l’organisation sociale, en considérant uniquement les données basées sur des observations de terrain et non de captivité. Cela lui permet d’établir une base de données à l’échelle des espèces de primates mais aussi des populations.
Prendre en compte pour la première fois les variations d’organisation sociale au sein même des espèces
Lorsque les études précédentes assignaient chaque espèce à une seule et unique organisation sociale par espèce, l’originalité de notre base de données a été de prendre en compte pour la première fois les variations d’organisation sociale au sein même des espèces.
Autre particularité : la base de données inclus 215 espèces. Sur celles où nous n’avions pas d’informations, nous n’avons rien mis alors que d’autres études attribuaient pour chaque espèce une organisation en faisant des hypothèses et des suppositions.
Résultat : La majorité des primates, soit 71 %, vivent en groupe, 6% seuls, et 23% vivent par paire. Ceux vivant par paire se reproduisent entre eux mais pas tout le temps.
La base de données dans laquelle sont implémentés des arbres généalogiques lui permet de remonter le temps il y a des millions d’années grâce à un modèle statistique élaboré par Jordan Martin et Adrian Jaeggi, chercheurs à Zurich.
Comprendre ce qui a fait évoluer la vie en paire vers la vie en groupe
L’étude permet ainsi de changer de point de vue sur l’ancêtre des primates originellement perçu comme petit, nocturne, arboricole et solitaire. Il existe de nombreuses études traitant de l’avantage de vivre de manière solitaire. Notre étude va donc permettre d’étudier les avantages de vivre en paire. L’une de mes hypothèses est que cette organisation sociale facilite l’accès à la reproduction et donne également un meilleur accès à la nourriture par rapport à la vie en groupe.
Reste à comprendre ce qui a fait évoluer la vie en paire vers la vie en groupe. A l’heure des changements globaux et environnementaux, ce serait également intéressant de voir si les espèces vont répondre aux changements environnementaux par un changement dans leur organisation sociale, la variabilité de l’organisation sociale pourrait être avantageuse pour certaines d’entre-elles.
- Retrouvez la publication dans PNAS
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