Par Marion Riegert
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L’art et la littérature face au cosmos

Comment un peintre ou un écrivain fait-il pour représenter ce qui est au-delà du regard : le cosmos ? C’est à cette question que répond Pascal Dethurens, professeur de littérature comparée et chercheur au sein de l’unité de recherche Configurations littéraires, à travers son ouvrage "Astres, ce que l’art doit au cosmos", qui vient de paraître chez Flammarion.

Il n’y a rien de plus beau qu’un ciel étoilé, souligne Pascal Dethurens, qui fait d’un rêve d’enfant un livre riche de 300 illustrations dans lequel il explore l’histoire de l’art, la littérature, mais aussi la religion, la philosophie ou encore l’astrophysique dans toutes les traditions culturelles et dans toutes les périodes. Je ne pouvais pas aborder ce sujet à partir seulement de l’histoire de l’art et de la littérature, comme s’il n’y avait pas de science. Il lui a ainsi fallu convoquer les principales théories et rassembler des centaines d’histoires et de représentations, pour les organiser autour de grands axes : Soleil, Lune, constellations, éclipses, comètes, étoiles filantes, aurores boréales. Tour d’horizon à travers différentes périodes.

L’Antiquité, l’âge des mythes

Dans les civilisations de l’Antiquité, les astres sont dans d’innombrables mythes. Hélios est le dieu du Soleil chez les Grecs. Vénus est à la fois la déesse et la planète de l’amour chez les Romains. La Lune est vénérée à Carthage sous le nom de Tanit, Thôt chez les Egyptiens, ou encore Chandra dans l’hindouisme. De Perse arrive le culte de Mithra, qui sera peu à peu assimilé au solstice d’hiver et, ainsi, à la naissance du Dieu chrétien.

La période médiévale, l’ère du christianisme

Dès l’avènement du christianisme, que ce soit chez un auteur comme saint Augustin, et jusque chez Dante, ou dans les fresques les plus anciennes, le Ciel est la substance même de Dieu. 

Les astres porteurs de nouvelles

Au Moyen Age et à la Renaissance encore, comme sur le plafond de la Chapelle Sixtine, ou dans le retable d’Issenheim, le Soleil est lié au Christ. Figure plus maternelle, la Lune est pour sa part associée à la Vierge Marie. Les astres sont aussi à cette époque porteurs de nouvelles, bonnes ou mauvaises, comme dans la tapisserie de Bayeux ou dans la Melencolia de Dürer.

La Renaissance, la fin de l’illusion

Au cours de la Renaissance, en même temps, tout s’effondre, il faut tout repenser, constate Pascal Dethurens. Si le cosmos est infini, comme on commence à le soupçonner, l’homme devient incapable de le concevoir, il devient irreprésentable. Dans l’art, on ne comprend plus le cosmos comme avant, de tout nouveaux schémas apparaissent. La période est marquée par de grands noms en astronomie, Copernic, Galilée, Tycho Brahé… Avec, au centre des questionnements, la question de savoir si la Terre tourne autour du Soleil ou pas, et donc si l’homme est au centre de l’univers ou… nulle part.

Le 17e siècle et le romantisme

En France au 17e siècle, le Soleil prend une dimension politique sous Louis XIV, le Roi soleil. A partir de ce moment-là, des écrivains comme Shakespeare ou Cervantès, en Europe, se servent beaucoup de la Lune, du Soleil et des étoiles dans le langage amoureux pour désigner la beauté de la femme aimée. Le cosmos s’humanise à mesure qu’il perd de sa sacralité, explique Pascal Dethurens. 

La mélancolie du 19e siècle 

A l’âge romantique, les artistes sont fascinés comme jamais par les couchers de soleil et les clairs de lune, beaux et tristes à la fois. En résumé, par le sublime de tout ce qui s’éteint, à l’image de Van Gogh qui pour “La Nuit étoilée” a étudié de près la configuration du Ciel.L’apparition d’un nouveau personnage, l’astronome

Au cours de ce même siècle, de nombreux phénomènes célestes comme les étoiles filantes, les éclipses ou les aurores boréales sont présents dans la poésie et le roman : chez Baudelaire, Rimbaud ou encore Stendhal. Les romans européens sont dès lors marqués par l’apparition d’un nouveau personnage, l’astronome, qui passe ses jours et ses nuits à regarder le ciel avec son télescope. 

De nos jours, un regard de pure contemplation

Depuis le développement de l’astrophysique moderne, toutes les notions que l’on utilisait depuis l’âge des stèles mésopotamiennes, des notions comme l’espace et le temps grâce auxquelles on affrontait le cosmos, n’ont plus aucun sens. Toute la littérature et la peinture du 20e siècle reflètent ces incertitudes. Dans l’art contemporain, les artistes savent qu’ils se trouvent face à un univers désormais incompréhensible, qui devient alors un pur objet de contemplation — à l’image de l’installation d’Olafur Eliasson, The Weather Project, qui montre la fragilité et la beauté du cosmos, ce cosmos qu’il faut protéger et admirer parce que (c’est l’objet du livre) il est la vie même.

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