Par Marion Riegert
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Icpees, 10 ans au service de l’énergie, de l’environnement et de la santé

L’Institut de chimie et procédés pour l’énergie, l’environnement et la santé (Icpees – Unistra/CNRS) fête ses 10 ans. Retour sur l’histoire de l’institut avec ses deux directeurs successifs Cuong Pham-Huu et Guy Schlatter.

L’Icpees a été créé en janvier 2013 lorsque deux laboratoires, le Laboratoire des matériaux, surfaces et procédés pour la catalyse (LMSPC) et le Laboratoire d'ingénierie des polymères pour les hautes technologies (Lipht), décident de fusionner. Nous nous sommes dit qu’avec deux laboratoires de cette taille pourquoi ne pas faire une demande de création d’un institut dédié aux matériaux (sous diverses formes) et aux procédés de mise en œuvre pour des applications diverses. Sans oublier d'augmenter la visibilité des recherches menées au sein des laboratoires vis-à-vis de l’environnement régional, national et international, raconte Cuong Pham-Huu, ancien directeur du LMSPC et premier directeur de l’Icpees.

Nous avions des thématiques différentes mais une philosophie de recherche similaire, nous étions dans les mêmes locaux et des collaborations existaient déjà entre les équipes. Nous souhaitions également gagner en visibilité par le biais des thématiques transverses, ajoute Guy Schlatter, ancien directeur du Lipht qui prend la direction de l’Icpees en janvier 2018. Icpees ? Nous avons choisi le nom suite à un brainstorming, nous avons pris le moins pire, plaisante l’actuel directeur.

Du fondamental vers l’appliqué

Côté organisation, les trois équipes du Lipht et les sept équipes du LMSPC ont été structurées en trois départements de recherche : catalyse et matériaux, chimie moléculaire et analytique, ingénierie des polymères. Avec une mise en commun des services, administratifs, techniques et des équipements d’appui à la recherche. Soit aujourd’hui quelque 120 personnels permanents et non permanents pour un budget annuel de deux millions d'euros.

Des applications dans la capture de polluants organiques, la dépollution de l’air intérieur...

Nous utilisons l’expertise des chercheurs de ces différents départements pour mener des recherches à vocation sociétale, du fondamental vers l’appliqué, autour de trois thèmes : l’énergie, l’environnement et la santé. Et ce grâce à la chimie et aux procédés pour l’énergie. Avec des applications dans la capture de polluants organiques, la dépollution de l’air intérieur, la production de nouveaux composites pour des applications en énergie et en environnement, notamment en catalyse assistée pour la conversion des produits secondaires en composés de forte valeur ajoutée, la détection avancée pour des diagnostics ou pour la conversion des stimuli mécanique ou lumineux en énergie..., détaille Guy Schlatter.

Une recherche tournée vers les partenariats avec le monde de l’entreprise allant des PME aux grands groupes industriels. Nous avons notamment Mutaxio, un laboratoire commun de recherche avec Soprema créé en 2018. Il vise à synthétiser et mettre en œuvre des matériaux polymères biosourcés pour les domaines du bâtiment comme l’isolation thermique, explique Guy Schlatter.

Une couche transversale

Sans oublier la start-up Blackleaf. Créée en 2018, elle porte sur la production du graphène multifeuillets pour des applications dans divers domaines, notamment pour le chauffage de surface qui englobe des radiateurs au chauffage des pipelines sous-marins et des composites conducteurs d’électricité. L’entreprise au chiffre d’affaires en progression a également remporté un financement Première usine dans le cadre du plan France 2030.

L’intelligence artificielle qui va être introduite progressivement dans différents axes de recherche

Côté projets, l’institut s’inscrit dans une évolution continue. Cuong Pham-Huu en reprendra la direction en janvier 2024. Ce qui peut être ajouté c’est une couche transversale en plus qui rassemble une grande partie des équipes de recherche. Comme faire de l’hydrogène par d’autres procédés. Je souhaite également développer deux thèmes fédérateurs : les travaux sur l’électrification. Le problème actuellement, c’est qu’on ne sait pas stocker l’électricité. L’électrification est une manière de décarboner l’industrie chimique en stockant l’électricité sous forme de composé chimique. Cette thématique pourrait agréger aussi une grande partie des équipes de l’Institut. Et dans un deuxième temps, l’intelligence artificielle qui va être introduite progressivement dans différents axes de recherche avec comme objectif de réduire le nombre de paramètres expérimentaux et de mieux orienter les axes d’investigation, conclut Cuong Pham-Huu.

Deux alumni de l'Icpees témoignent

Durant les deux journées de festivités, huit anciens étudiants de l’Icpees reviennent sur leur parcours, leur thèse... parmi eux Irene Lara Ibeas et Audrey Magnin.

Irene Lara-Ibeas

« J’ai commencé à travailler à l'Icpees quand je suis entrée en master. Mon stage de maîtrise au sein du groupe "Chimie analytique et matériaux pour l'environnement et la santé" m’a permis de me rendre compte du rôle critique que joue la qualité de l'air dans la santé humaine. Je me suis alors passionnée pour le développement d'outils innovants pour mesurer avec précision les polluants atmosphériques.

Forte de cette experience, j’ai décidé de poursuivre par une thèse, toujours à l'Icpees, sous la direction de Stéphane Le Calvé et en collaboration avec l'Insa de Toulouse. Mes recherches portent alors sur divers aspects des polluants atmosphériques, notamment le développement de dispositifs permettant leur détection et leur mesure sur le terrain, mais aussi l'étude des processus d'adsorption sur de multiples matériaux. L'Icpees m’a donné accès à des infrastructures de pointe. La recherche scientifique implique souvent des revers et des défis. Ce ne sont donc pas seulement les aspects techniques qui ont façonné ma carrière, mais aussi les précieuses leçons de résilience et de gestion de la frustration apprises pendant mon séjour à l'institut, grâce au soutien de mes collègues et de mon superviseur.

J’ai poursuivi mes études par un post-doctorat aux États-Unis, sur le développement de systèmes portables de chromatographie en phase gazeuse. Aujourd'hui, j’occupe le poste de Senior Researcher chez Eurac Research où je suis également responsable du laboratoire de Composés organiques volatils. Mes recherches portent sur de multiples sujets liés à la qualité de l'air intérieur (QAI) : les émissions des matériaux de construction, l'utilisation de technologies pour une gestion efficace de l'énergie de la QAI et le développement d'indicateurs basées sur la santé pour évaluer la QAI.

Mon passage à l'Icpees a posé les bases solides de ma carrière. La collaboration avec des chercheurs d'horizons et de cultures divers m’a permis d'aborder les questions de recherche dans une perspective multidisciplinaire, favorisant une approche holistique pour résoudre des problèmes complexes. »

Audrey Magnin

« J’ai réalisé ma thèse et mon post-doctorat dans le département d’ingénierie des polymères de l’Icpees, au sein de l’équipe Bioteam dirigée par Luc Avérous. Ces cinq années de recherche ont été dédiées au développement d’une technologie de recyclage enzymatique des polyuréthanes et à la compréhension des mécanismes de dégradation biologique de ces polymères. Les polyuréthanes sont des matériaux plastiques largement utilisés dans le secteur de la construction et de l’ameublement. Leur recyclage est un défi pour notre société considérant les grands volumes de déchets générés et le peu de technologies existantes pour une valorisation efficiente de ces déchets. Le développement d’une technologie reposant sur la catalyse enzymatique, à faible température et sans intermédiaires chimiques, est une alternative verte, séduisante mais présentant de nombreux verrous technologiques qu’il nous a fallu appréhender au cours de ces travaux.

Ayant un profil d’ingénieure en biotechnologies, il fut extrêmement enrichissant pour moi d’évoluer dans une équipe principalement constituée de chimistes, dans un laboratoire d’excellence en chimie des polymères. La synthèse de polymères modèles, sur mesure, et la disponibilité d’un large panel de méthodes de caractérisation ont eu une grande valeur ajoutée dans ces travaux de recherche. Je tire aujourd’hui largement profit de l’ouverture au monde industriel et aux collaborations internationales dont j’ai pu bénéficier durant mon expérience à l’Icpees. En effet, désormais responsable innovation au sein d’un pôle de compétitivité, Bioeconomy for change (anciennement le pôle IAR), j’anime un écosystème d’innovation au sein duquel j’ai le plaisir de côtoyer d’anciens collaborateurs ou partenaires. »

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