Par Marion Riegert
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Dans les rouages de la Cour suprême américaine

Le 1er juillet, la Cour suprême a rendu un arrêt sur l’immunité des anciens présidents favorable à Donald Trump. Julien Jeanneney, spécialiste de droit constitutionnel, professeur à l’Université de Strasbourg, revient sur la plus haute autorité juridictionnelle des États-Unis, à laquelle il a consacré un livre : "Une fièvre américaine. Choisir les juges de la Cour suprême, XVIIIe-XXIe siècle".

Instaurée par la Constitution fédérale rédigée à Philadelphie pendant l’été 1787, la Cour suprême a progressivement acquis une place centrale au sein du gouvernement fédéral. Elle est bien souvent le seul organe capable de faire évoluer le droit de manière globale dans l’ensemble du pays. Sa saisine est ouverte à tout justiciable. Parmi les quelque 7 000 recours qui sont formés devant elle chaque année, elle en choisit une petite centaine.

Dans son ouvrage, Julien Jeanneney se penche notamment sur les comptes rendus d’auditions de candidats à la Cour suprême par la commission des affaires judiciaires du Sénat, révélateurs, sur la longue durée, des passions politiques et constitutionnelles qui ont marqué le pays. Il a bénéficié d’un séjour de recherche à la Faculté de droit de Yale, où il a pu consulter de nombreuses ressources et échanger avec des universitaires américains sur le sujet.

La question de l’IVG

La première audition publique d’un candidat à la Cour suprême se tient en 1925. D’autres auditions sont organisées ponctuellement par la suite. Elles deviennent systématiques à partir de 1955, note le chercheur, qui n’a pas écrit son ouvrage à destination des seuls spécialistes de droit constitutionnel. J’ai voulu toucher tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et à la vie politique américaines.

Il revient ainsi sur les questions qui émergent au fil des candidatures. L’interruption volontaire de grossesse, par exemple, provoque des échanges vifs pendant le demi-siècle entre l’arrêt “Roe vs. Wade”, qui offre une protection constitutionnelle fédérale au droit des femmes d’y recourir, et l’arrêt "Dobbs” qui, en 2022, abandonne cette protection. 

Leur nombre a varié au cours du 19e siècle

Les juges sont nommés à vie. Proposées par le président, les candidatures doivent être ratifiées par la majorité des sénateurs. On les remplace lorsqu’ils meurent ou démissionnent. Leur nombre, qui n’est pas fixé par la Constitution, a varié au cours du 19e siècle. Depuis 1869, il n’a plus changé : ils sont neuf. Certains juges ont acquis une très grande renommée, à l’image de Ruth Bader Ginsburg, devenue, à la fin de sa vie, une icône du féminisme, à qui plusieurs films ont été consacrés.

Différents scandales impliquant des juges

Décédée quelques mois avant l’élection de Joe Biden, cette juge a été remplacée par la conservatrice Amy Coney Barrett : cela a fini de faire basculer le centre de gravité de la Cour suprême du côté conservateur. Aujourd’hui, à 76 ans, le juge le plus âgé est le conservateur Clarence Thomas. Si Donald Trump est élu en novembre prochain, il pourrait démissionner pour permettre à ce dernier de le remplacer par un jeune juge conservateur.

Il était également question de mettre fin aux nominations à vie

Au début de son mandat, Joe Biden avait envisagé une augmentation du nombre de juges à la cour, afin d’y tempérer le poids des opinions conservatrices. Les conditions politiques n’étaient pas réunies pour une telle réforme. Cet été, il a proposé d’adopter un code d’éthique juridictionnel, présenté comme une réponse à différents scandales impliquant des juges conservateurs qui ont bénéficié des largesses de riches conservateurs. Il était également question de mettre fin aux nominations à vie. Cela impliquerait de réviser la Constitution, ce qui est fort improbable dans le contexte actuel, conclut Julien Jeanneney qui a obtenu pour son ouvrage le prix Olivier-Debouzy « de l'agitateur d'idées juridiques de l'année » et le Grand Prix Charles-Aubert Droit de l'Académie des sciences morales et politiques.

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