Par Marion Riegert
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Comprendre le fonctionnement des hormones stéroïdiennes pour limiter leurs effets secondaires

Molécules parmi les plus prescrites pour le traitement de pathologies variées, les glucocorticoïdes et les androgènes entrainent des effets secondaires pouvant être très invalidants. Delphine Duteil, chercheuse à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC - CNRS/Inserm/Unistra), étudie les effets de ces deux hormones sur différents organes afin de comprendre leur fonctionnement et à terme de pouvoir développer de nouvelles molécules permettant de réduire leurs effets indésirables.

Présentes dans notre organisme, les hormones stéroïdiennes comprennent les androgènes et les glucocorticoïdes. Les androgènes contrôlent la prolifération cellulaire, le développement des caractéristiques et du comportement sexuels, la masse et la force musculaires. Les glucocorticoïdes, eux, contrôlent le rythme circadien, le métabolisme, l'inflammation et les fonctions immunitaires. Synthétisées par les entreprises pharmaceutiques, les glucocorticoïdes comptent parmi les composés les plus prescrits à l’heure actuelle pour traiter des maladies inflammatoires chroniques, ou encore des infections cutanées et oculaires. Des anti-androgènes ont également été générés afin de traiter les cancers métastatiques de la prostate.

Problème, l’utilisation de ces composés sur le long terme peut entrainer des effets secondaires comme l’ostéoporose, le diabète de type 2, ou encore une fonte des muscles. Afin de développer des thérapies plus ciblées, soit en agissant directement sur les traitements ou en créant des médicaments permettant de limiter les effets secondaires, Delphine Duteil, chargée de recherche dans l’équipe de Daniel Metzger, s’intéresse avec son sous-groupe au fonctionnement et aux effets de ces deux hormones sur différents organes.

Différentes pièces d’un puzzle

Nous connaissons les effets de ces hormones stéroïdiennes au niveau systémique mais pas au niveau de chaque tissu, ni leurs répercussions potentielles. Je vois cela comme un genre de puzzle dont chaque organe est un élément. Chaque nouvelle étude donne une pièce du puzzle qui permettra d’obtenir une image pour comprendre le fonctionnement de ces hormones via leurs récepteurs au niveau de l’organisme, souligne la chercheuse qui précise que dans l’équipe chaque personne est en charge d’un élément : muscle, tissu adipeux, prostate…

Mettre en évidence les spécificités des complexes dans lesquels ces récepteurs sont impliqués

Dans un premier temps, nous nous sommes penchés sur le muscle, l’un des principaux organes touchés par les effets indésirables des composés, en regardant ce qui se passe si le récepteur du glucocorticoïde, ou celui des androgènes, est enlevé sur des souris. Cela a permis de mettre en évidence les spécificités des complexes dans lesquels ces récepteurs sont impliqués au niveau du muscle, détaille la chercheuse qui dispose de différents financements de l’Agence nationale de la recherche ou encore de l’AFM Téléthon.

Des questions en suspens depuis 80 ans

Un travail de longue haleine qui nécessite la mise en place de nouvelles techniques. Rien que pour développer le protocole de travail sur le muscle squelettique cela a pris 5 ans. La chercheuse a également publié un article en juillet 2023 sur une nouvelle application de la fluorescence-activated cell sorting (FACS) couplée à une technique de séquençage ADN. Elle permet d'obtenir des informations détaillées sur la régulation génique dans les cellules satellites musculaires, malgré la complexité des tissus et la fragilité des cellules, pour comprendre les mécanismes de régénération musculaire.

Des outils qui n’étaient pas disponibles avant

Depuis 1940 où les molécules ont été développées, les chercheurs ne sont pas parvenus à déterminer leurs spécificités d’action, ni à générer des composés dont les effets thérapeutiques sont entièrement dissociés des effets secondaires. La levée de leviers technologiques a permis d’avancer au niveau de la biologie moléculaire ces dernières années, avec des outils qui n’étaient pas disponibles avant. C’est très motivant, nous pourrons bientôt apporter des réponses à des questions en suspens depuis 80 ans, conclut Delphine Duteil.

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