Par Marion Riegert
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Comment le droit saisit le religieux

Les 9e Rencontres droit et religion se tiendront le 7 octobre à la salle de conférences de la Maison interuniversitaire des sciences de l’Homme – Alsace (Misha). Le thème, « Comment le droit saisit le religieux », propose une approche réflexive sur ce champ de recherche peu connu. Explication avec Françoise Curtit, chercheuse au laboratoire Droit, religion, entreprise et société (Dres – CNRS/Unistra) et organisatrice de l’évènement.

Pourquoi ces rencontres ?

C’est un évènement annuel qui permet à notre équipe de partager son champ de recherche avec un public diversifié intéressé par nos travaux. Et plus largement de réunir les collègues du domaine en France et en Europe. Pour cette rencontre, il y aura des intervenants d’Europe et du Québec.

Parlez-nous du thème « Comment le droit saisit le religieux » ?

Nous avons voulu cette année avoir un regard critique et réflexif sur notre champ d’étude. Ce qui n’est pas un exercice habituel pour les juristes. Voir ce qu’est le droit des religions, comment il a évolué et quelles sont les perspectives ? Déterminer aussi ce qu’est l’objet religieux pour le droit. Ou encore l’influence du droit européen sur les dynamiques nationales.

Pouvez-vous nous expliquer les spécificités de ce champ de recherche ?

Il porte sur l’encadrement juridique de l’expression des convictions, des activités et des organisations religieuses et est présent dans tous les aspects du droit : public, privé (famille, entreprise...) et européen. C’est un champ très morcelé qui s’intéresse à la fois à la sphère privée, à laquelle certains voudraient cantonner le religieux et à la sphère publique, sociale, où le religieux doit être encadré.

Quelles évolutions le droit des religions a-t-il connues ? 

Au départ le droit des religions concernait principalement la gestion des cultes dans leur dimension institutionnelle et dans leurs relations avec les pouvoirs publics. Sous l’influence des transformations de la sociologie religieuse et de politiques publiques qui se saisissent désormais du « religieux » comme d’un facteur problématique, son périmètre d’application s’est étendu. Pour tenter notamment d’« unifier les conduites », l’Etat se saisit de plus en plus de la question de la religion, ce qui se traduit par la multiplication de lois pour encadrer le religieux depuis les années 2000. A l’image de celle sur les signes religieux à l’école en 2004 ou encore celle interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public en 2010. On voit aussi émerger dans le champ juridique des notions imprécises comme les « valeurs de la République », « le vivre ensemble », « le séparatisme »… Des principes établis, comme celui de la laïcité, prennent également des dimensions plus larges en apparaissant dans de nouveaux domaines où elle n’était pas présente, comme le sport.

Comment étudiez-vous ce champ, le sujet est-il délicat à traiter ?

Il y a toujours un peu de suspicion quand on dit que notre champ de recherche c’est le religieux. C’est un sujet controversé. Mais le juriste comme le juge ne s’exprime jamais sur le bien-fondé des convictions. Notre objet d’étude ce sont les textes, la jurisprudence… quelle que soit la religion, à partir du moment où une personne dit qu’elle a agi par conviction religieuse. Au sein de l’équipe, nous aimerions faire évoluer nos méthodes de travail pour aller voir sur le terrain comment les règles de droit sont appliquées et perçues, une méthode peu utilisée en France qui pourrait s’avérer fructueuse.

Durant la journée d’étude, vous évoquerez de nouvelles approches pour étudier ce champ ?

Oui, il y aura par exemple une session sur l’analyse juridique du religieux par une approche décoloniale. Autrement dit, comment les études décoloniales peuvent-elles renouveler une approche réflexive du droit des religions ? C’est une problématique que l’on observe notamment autour de la loi interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public où tout le débat s’est focalisé autour du voile intégral et donc de la communauté musulmane. Des analyses pourraient aussi se faire à travers des perspectives féministes.

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