Bilan du dispositif "oui si" : peut mieux faire...
Voilà quatre années universitaires que le dispositif "oui si", issu de la loi Orientation et réussite étudiante, est en place. L’idée de la remise en selle des nouveaux entrants, dans une perspective de réussite, a donc fait son chemin. Avec des résultats mitigés, comme en ont témoigné plusieurs enseignants lors d’un séminaire, le 19 mai. Sans trop de surprise, cette possibilité donnée à l’étudiant de se mettre à niveau, à travers des aménagements d’études, peut être salutaire, mais à la condition d’une certaine motivation et investissement de l’étudiant. Beaucoup pointent aussi le travail supplémentaire induit par le suivi de ces groupes pour les enseignants.
« Mieux évaluer l’impact du dispositif pour l’améliorer »
« Même limité, le dispositif ‘’oui si’’ a un impact sur la réussite étudiante. Les composantes qui l’ont adopté n’ont pas l’intention de le remettre en cause. C’est donc qu’elles le considèrent utile, même si elles soulignent que des ajustements seront encore nécessaires. On peut toutefois légitimement se poser la question : la proportion d’étudiants qui en tirent bénéfice n’est-elle pas faible, au regard de l’investissement demandé aux équipes pédagogiques dans sa mise en œuvre ?
Un effet positif indéniable, c’est qu’aujourd’hui la vision de la réussite étudiante a changé et que la communauté universitaire est entièrement engagée dans l’accompagnement des étudiants en difficulté.
La mise en place du ‘’oui si’’ demande aux enseignants qui s’y sont investis de faire preuve de beaucoup d’agilité, car la composition des groupes est en perpétuelle évolution. Les composantes font preuve de créativité dans sa mise en œuvre. Beaucoup ont renommé le dispositif en fonction de la direction qu’elles souhaitaient lui donner et les formes varient entre cours de soutien méthodologique et disciplinaire, suivi par un enseignant, tutorat par les pairs... Certaines offrent la possibilité de sortir du dispositif en cours de route si les résultats s’améliorent, d’autres le basent sur le volontariat. Elles peuvent aussi s’appuyer sur le relais des conseillers à la réussite étudiante de l’Institut de développement et d'innovation pédagogiques (Idip).
En revanche, ce qu’on remarque, c’est que les composantes qui ne s’en sont pas saisies dès le départ ne le mettent pas en place par la suite.
On peut se féliciter des moyens qui ont été débloqués par le ministère pour cette mission supplémentaire. Et souligner l’engagement fort des enseignants qui pilotent et interviennent dans le dispositif. Espace avenir s’est également investi, en construisant une ressource pour accompagner les équipes qui souhaitent provoquer des moments réflexifs pour le public ‘’oui si’’. Disponible sur Moodle, le kit Alpha a été adopté et adapté par plusieurs facultés, notamment les langues.
Les huit composantes qui ont témoigné lors du bilan du 19 mai ont relevé que ce sont plutôt les étudiants issus de baccalauréats généraux qui profitent du dispositif, alors qu’étaient ciblés initialement les bacheliers professionnels et technologiques. Ces publics souvent plus fragiles restent difficiles à capter.
A l’avenir, la délicate évaluation du ‘’oui si’’ devra être approfondie, notamment pour trouver des pistes d’amélioration. Nous souhaitons en particulier mener des enquêtes sur les étudiants inscrits "évaporés". Que sont-ils devenus ? En quoi le passage par le ‘’oui si’’ leur a-t-il été bénéfique pour la suite de leur parcours ? »
« Une évolution positive, moins d’étudiants abandonnant au profit du redoublement »
« A la Faculté des langues, le recours au "oui si" pour les étudiants de première année a été assez massif, avec 15 parcours sur 20 à le proposer. Les modalités sont multiples, certains parcours choisissent d'évaluer les modules "oui si", d’autres non. Il y a finalement autant de parcours que de possibilités. Les résultats sont variables selon les parcours, de mitigés à très bons. Les progrès vont de pair avec l’assiduité, et on remarque que l’absentéisme augmente au fil de l’année universitaire, en particulier au second semestre.
Une expérience a été menée au sein du Département d'anglais à deux niveaux : le "oui si" a été élargi aux étudiants de mi-classement Parcoursup, et le programme intégré sur la base du volontariat.
Les étudiants ont compris que ce dispositif leur était proposé dans leur intérêt
Cette expérimentation nous a permis d'établir que 35 % des inscrits au dispositif "oui si" réussissent leur première année depuis cette expérience. Depuis 2020, le diapositif a évolué et est maintenant basé sur le volontariat. Les étudiants ont compris que ce dispositif leur était proposé dans leur intérêt, puisqu’ils sont 75 % à vouloir le suivre au premier semestre. On peut dire que c’est une évolution positive, moins d’étudiants abandonnant, au profit du redoublement.
Le plus compliqué, finalement, c’est la mise en œuvre opérationnelle. C'est un dispositif lourd à assurer pour le peu d'enseignants qui y sont engagés. »
« Rebaptiser le parcours "oui si" pour le rendre moins stigmatisant »
A la Faculté des sciences économiques et de gestion, nous avons fait le choix, comme beaucoup d’autres composantes de l’Unistra, de rebaptiser le "oui si" ; nous avons choisi l’appellation "Licence +", qui nous a semblé moins stigmatisante et permet de ne pas réserver l’accompagnement supplémentaire aux seuls étudiants identifiés sur Parcoursup. Nous accueillons ainsi des étudiants identifiés comme fragiles et des étudiants volontaires. Les étudiants du dispositif sont répartis dans les groupes de travaux dirigés (TD) avec les autres étudiants de première année et sont rassemblés pour des séances de soutien spécifiques en méthodes quantitatives. Un accompagnement individuel est proposé, avec un à plusieurs entretiens avec un professeur référent, à partir des premières notes de contrôle continu.
Les séances de soutien ne sont pas notées, mais des bonus peuvent être accordés lors des jurys de fin de semestre, si l’étudiant a assisté régulièrement aux séances.
Le dispositif s’entend sur l’année, mais nous avons souhaité assurer une certaine flexibilité. Ainsi, les étudiants qui atteignent une moyenne supérieure à 14 à la fin du premier semestre peuvent quitter le dispositif. Pour une moyenne entre 11 et 14, la sortie se négocie au cas par cas.
Si le dispositif ne gomme pas toutes les fragilités, l'étudiant accepté en "oui si" a tout intérêt à suivre les séances de soutien
On remarque que les étudiants "oui si" sont légèrement plus défaillants que les autres aux examens. Pour les présents aux épreuves, nous constatons un écart de deux points entre les moyennes des étudiants "oui" et "oui, si", mais nous observons de beaux parcours de réussite pour les étudiants qui suivent les séances de soutien de façon sérieuse. D’ailleurs, si le taux de réussite des "oui si" assidus est 1,6 fois inférieur à celui des "oui", celui des "oui si" absentéistes est quatre fois inférieur. Ce qui montre que si le dispositif ne permet pas de gommer toutes les fragilités des étudiants, un étudiant qui accepte de venir en L1 économie-gestion avec la mention "oui si" sur Parcoursup a tout intérêt à suivre assidûment les séances de soutien.
Interrogés sur leur ressenti, les étudiants de la L1 ("oui si" ou "non") ont manifestement bien identifié le dispositif et en ont, pour la plupart des répondants, une perception plutôt positive. Même si les participants nous ont indiqué que ces séances les avaient davantage aidés pour la compréhension des cours que pour la réussite aux examens. On le voit, le dispositif présente des avantages, mais il mérite encore d’être amélioré.
André-Laurent Mahieu, enseignant à la Faculté de sciences économiques et de gestion, coordinateur du dispositif Licence +
Quelques chiffres issus du dispositif "oui, si" de la Faculté des sciences de la vie
A la Faculté des sciences de la vie, qui applique les deux modalités de "oui si" (71 en "oui si 1" ; 24 en "oui si 2"), Véronique Leh-Louis, directrice des études en licence 1, souligne que la progression est très lente pour ceux qui restent motivés, et variable selon les années.
Témoignage d’étudiant : Nathan, diplômé d’une licence de sociologie (Faculté des sciences sociales)
Citation
Le "oui si" a été mis en place à mon arrivée à l’université. C’était une condition qui m’était posée sur Parcoursup pour pouvoir m’inscrire en licence de sociologie.
Je ne l’ai pas ressenti comme un échec, plutôt comme un soutien.
En plus, dans l’année où j’étais, on était vraiment énormément d’étudiants de première année à être inscrits, je pense qu’on devait être un sur deux dans ma promotion, donc on ne l’a pas vécu comme une punition !
Avec le recul, je le vois vraiment comme une bonne expérience, utile à ma formation. Deux heures chaque semaine, on apprenait à synthétiser, à conduire des entretiens sociologiques et à les retranscrire, à préparer notre sujet de mémoire pour la suite, on faisait pas mal d’exercices. Comme c’était les débuts du dispositif, les enseignants étaient très à l’écoute, nous demandaient quelles étaient nos difficultés et les points sur lesquels on souhaitait travailler. C’était très intéressant.
Citation
En début d’année, on envoie à la moitié de notre promotion de L1, qui suit le module "Réussir sa licence", un signal fort : il s’agit d’un TD parmi d’autres TD. L’un est assuré par le doyen de la faculté, c’est important pour eux de le savoir et de ne pas se sentir « à part ». Nous avons noté une dynamique de groupe positive : ceux qui sont plus à la peine se raccrochent à ceux qui réussissent mieux.
Marie Blanchard, Faculté des sciences sociales
Repères
Conçu comme un accompagnement pédagogique, le dispositif « oui si » fait partie des leviers de la loi Orientation et réussite étudiante (ORE) du 8 mars 2018. Objectif : améliorer la réussite des étudiants. Deux modalités sont proposées :
- type 1 : ajout de modules disciplinaires et méthodologiques
- type 2 : allongement des études (exemple : première année réalisée en deux ans)
A l’Unistra, la plupart des composantes proposent un aménagement de type 1.
2 355 étudiants étaient inscrits dans le dispositif "oui si" en 2018-2019 et 2019-2020
23 mentions de licence 1 proposent le "oui si" en 2019-2020
Selon une enquête menée à l’Université de Strasbourg par l’Oresipe en 2019 auprès de 2 355 étudiants, seuls 23 % ont perçu positivement la proposition d’acceptation "oui si". 48 % des étudiants sont assez satisfaits, satisfaits ou très satisfaits du dispositif et pensent donc qu’il est adapté à leurs besoins.
- Lire aussi : Parcours oui si à l’Unistra, l’heure du premier bilan (paru en 2019)
- Aller plus loin : Enquête sur le dispositif "oui si" (Orespie)
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