Par Marion Riegert
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Aymane Dahane, en quête de street workout

Apparu récemment, le street workout (entrainement de rue) est une activité physique urbaine émergente entre forme de gymnastique et de musculation au poids de corps. Entretien avec Aymane Dahane, chercheur au laboratoire Sport et sciences sociales, qui s’est intéressé à travers sa thèse à ce sport peu codifié et peu étudié. Et ce à travers une ethnographie menée de 2016 à 2019 dans un quartier populaire strasbourgeois : l’Elsau.

L’histoire

Le sport de rue a toujours existé mais il devient une mode sous le nom de street workout et se réactualise en 2008, avec les vidéos sur YouTube de l’Américain Hannibal For King. Le tout, en lien avec la culture rap et hip hop et le culte des corps musclés, mais aussi toute une mythologie, notamment celle de la prison où les prisonniers s’entrainent avec ce qu’ils ont à disposition, sans oublier l'invocation des guerriers spartiates. En France, le mouvement se développe à partir de 2010. D’abord présent dans les quartiers populaires, le concept s’étend à tous les milieux et tous les environnements. Associations, villes et centres socioculturels s’investissent dans la pratique dans une optique d’éducation et de développement territorial par le sport.

La pratique

Barres de tractions, barres parallèles, poids de corps… l’entrainement se fait avec les moyens du bord, des agrès s’il y en a ou le mobilier urbain, afin de travailler la force et la beauté du corps. Comme le disent les pratiquants, en extérieur, il faut être prudent car la moindre figure acrobatique ratée tu la payes cash. Différents stades peuvent se distinguer. Le stade 1, musculation, séries et répétitions. Le stade 2 : figures de force. Tenir des positions comme la planche. Et le stade 3 : le free style, des mouvements acrobatiques. Même si le street workout reste une pratique peu codifiée et non homologuée en train de se construire. Les compétitions nationales et internationales se développement lui donnant une nouvelle dimension qui tend à une forme d'institutionnalisation avec des battles désormais orientée vers le freestyle et ses enchainements acrobatiques.

Le terrain

A Strasbourg quand je suis arrivé, le street workout n’était pas développé de manière formelle. J’ai pas mal cherché... J’ai trouvé une forme de street workout de stade 1 au parc de la Citadelle, des personnes faisant de la musculation mais sans équipe formée. Peu d’aménagements étaient dédiés à la pratique dans la région avec plutôt des agrès de sport-santé. En fouillant, je suis tombé sur une salle de street workout d’environ 90 m2 dans le centre socioculturel de l’Elsau. Une sorte de garage qui draine toute la ville. Montée par un animateur avec une dizaine de jeunes, la salle, et sa communauté baptisée Artcorps, est la première du secteur à organiser, promouvoir et formaliser le street workout dans la région.

Qui

Le street workout s’organise surtout en communautés et en groupes aux styles propres essentiellement masculins. Il pâtit d’une image hypervirilisée alors que ce n’est pas un concours de muscles en pleine rue. Pour moi, ce sport n’a pas de religion, ni de couleur, c’est une culture de l’entraide et de l’accueil, en quête de démocratisation. Durant mon enquête, j’ai noté que les pratiquants étaient généralement des adolescents et des jeunes adultes avec pour le cas de l’Elsau, une limite d’âge basse fixée à 14 ans afin d’éviter les accidents. Toujours à l’Elsau, malgré les efforts et un aspect expérimental, les filles restent rares. Il a une forme de surpopulation masculine qui freine ces jeunes femmes et adolescentes, même si le responsable du secteur jeunes leur a laissé quelques créneaux dédiés.

Son parcours

Les arts martiaux et le sport de rue ont toujours fait partie de la vie d’Aymane Dahane. Après avoir été animateur socioculturel à Paris où il côtoie le sport de rue, il reprend des études en sciences de l’éducation en 2012 à l’université Paris 8. Pour sa thèse, « En quête de street workout : ethnographie d’un spot de référence forgé dans un quartier populaire strasbourgeois », il opte pour le laboratoire strasbourgeois Sport et sciences sociales qui possède un axe sport dans les quartiers populaires. Il s’inscrit également dans la continuité des travaux sur le sport de rue menés par son directeur de thèse Gilles Vieille-Marchiset.

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