Par Marion Riegert
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Antibiorésistance, une nouvelle menace pour la santé mondiale

Selon l’Organisation mondiale de la santé, la résistance aux antibiotiques constitue aujourd’hui l’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement. Pour sensibiliser grand public et chercheurs, un colloque est organisé à Strasbourg sur ce thème. Le point avec Pierre Fechter, chercheur au sein de l’équipe Métaux et microorganismes : biologie, chimie et applications* et François Bernier, directeur de la Maison pour la science en Alsace.

Comment fonctionne un antibiotique ?

Largement utilisés dès la Seconde Guerre mondiale, les antibiotiques ont été découverts par le biologiste écossais Alexander Fleming en 1920 en étudiant les bactéries et les champignons. L’antibiotique cible des mécanismes clés de la bactérie : la réplication de l’ADN, la production de protéines, de membranes ou il peut créer des trous dans la bactérie pour la faire exploser, explique Pierre Fechter, microbiologiste qui effectue des recherches sur le sujet.

Qu’est-ce que l’antibiorésistance ?

Les plasmides sont de petits fragments d'ADN circulaire présents dans la cellule bactérienne

Les résistances aux antibiotiques existent naturellement mais le mauvais usage de médicaments accélère le processus, souligne François Bernier. Ainsi, lorsque l’antibiotique est utilisé, les bactéries non résistantes disparaissent. Une pression de sélection a lieu et les bactéries résistantes restantes se développent soit en empêchant l’action de l’antibiotique soit en empêchant son entrée dans la bactérie. Le gène permettant la résistance se transmet ensuite de bactéries en bactéries à travers des plasmides. Il existe en tout quatre à cinq mécanismes de résistance à partir desquels la dissémination va se faire, souligne Pierre Fechter.

Parlez-nous des mauvaises pratiques ?

Chacun peut agir sur le climat mais aussi sur l’antibiorésistance, glisse François Bernier. En France, nous utilisons deux fois plus d’antibiotiques qu’en Allemagne ou qu’en Hollande. Les pays qui consomment plus d’antibiotiques ont plus de bactéries résistantes, souligne le chercheur qui précise qu’il ne faut jamais arrêter un traitement en cours. Sur un traitement de sept jours, même si vous allez mieux au bout de cinq jours, toutes les bactéries ne sont pas parties. Il évoque également le cas de l’Inde où de nombreux antibiotiques ont été déversés dans les eaux usées ou les fleuves ce qui a contribué à créer de l’antibiorésistance. Lorsque l’on voyage en Inde, nous avons une chance sur deux de ramener une bactérie résistante. Dans ces pays plus pauvres, il y a également un problème d’accès aux antibiotiques, de mauvaise posologie avec des doses faibles favorisant la résistance. Autre problème, l’administration d’antibiotiques aux animaux d’élevage. En Europe, leur usage est interdit pour favoriser la croissance des animaux, ce qui n’est pas le cas aux Etats-Unis, précise Pierre Fechter.

Quelles sont les risques ?

D’ici 10, 15 ans, nous risquons d’être en pénurie d’antibiotiques efficaces. Il faut donc d’urgence diminuer notre consommation et trouver de nouveaux mécanismes. C’est là que l’on bloque car depuis une vingtaine d’années, il existe de moins en moins d’études sur le sujet. Il faut relancer la machine, c’est ce que je fais, souligne Pierre Fechter. Depuis deux ans, on parle du coronavirus et de quelques millions de mort, mais ce n’est rien par rapport à ce qui arrivera lorsqu’une maladie commune ne se soignera plus. Les estimations pessimistes parlent de 10 millions de morts en 2050 à l’échelle mondiale. C’est plus que le cancer. N’importe quelle opération chirurgicale risque de devenir plus critique, complète son collègue.

*Unité mixte de recherche Unistra/CNRS.

Colloque « Antibiorésistance : un défi éducatif et sociétal »

La Maison pour la science en Alsace organise le mercredi 16 mars une journée thématique en ligne en partenariat avec les unités de recherche Biotechnologie et signalisation cellulaire et Laboratoire de bioimagerie et pathologies, avec le soutien financier de la MGEN. Elle s’inscrit dans le cadre des commémorations du bicentenaire Pasteur 2022, fondateur de la microbiologie en France.

Le colloque qui sera enregistré se décline en trois volets avec une douzaine d’intervenants de différentes disciplines. Au programme : un point sur la résistance aux antibiotiques, la médecine humaine et l’environnement. Les solutions scientifiques développées. L’impact au niveau de la société, quelle réflexion est menée par les autorités autour du problème. Et enfin un volet plus éducatif : qu’est-ce que l’on peut faire pour limiter le problème ? Expliquer le fameux "Les antibiotiques, c’est pas automatique", glisse François Bernier.

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