Par Marion Riegert
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80 ans après, retour sur la libération de Strasbourg et de son université

L’Université de Strasbourg célèbre les 80 ans de la libération de Strasbourg le samedi 23 novembre au Palais universitaire, l’occasion de revenir sur cet évènement historique avec Catherine Maurer, professeure d’histoire contemporaine et membre du laboratoire Arts, civilisations et histoire de l'Europe (Arche).

En novembre 1944, les troupes alliées sont déjà en Alsace, la ville de Mulhouse est reprise aux Allemands le 21. Au même moment, à Strasbourg, pas d’évacuation en vue, la vie suit son cours. Nous avons des témoignages d’Allemands et d’universitaires, ils n’avaient pas l’air d’avoir conscience que Strasbourg allait subir le même sort que Mulhouse, raconte Catherine Maurer.

De leur côté, les Français sont déterminés. Strasbourg est symbolique. Le 2 mars 1941, le colonel Leclerc, qui vient de remporter la bataille de Koufra en Libye contre les Italiens, prête le serment avec ses hommes de ne plus déposer les armes avant que le drapeau français ne flotte sur la cathédrale de Strasbourg.

Le drapeau français flotte sur la cathédrale

Ce sera chose faite le 23 novembre. Dans la nuit du 22 au 23, la 2e division blindée sous les ordres de Leclerc entre dans Strasbourg. Les Américains laissent les Français entrer les premiers dans la ville. Il y a un véritable effet de surprise, les habitants se trouvent nez à nez avec les chars. Les tramways continuent de circuler. À 14 h 20, le drapeau français flotte sur la cathédrale mais les combats ne sont pas terminés.

Les derniers soldats allemands se replient et font sauter les ponts de Kehl

Ce n’est que le 25 novembre que le général allemand Vaterrodt, commandant de la place de Strasbourg, capitule. Dans la nuit du 27 au 28 novembre, les derniers soldats allemands se replient de l'autre côté du Rhin et font sauter les ponts de Kehl.

L’université allemande fonctionne jusqu’au bout

La Reichsuniversität se replie pour sa part à Tübingen, les départs du personnel se font de manière précipitée et désordonnée. L’université fonctionne jusqu’au bout à tel point que la rentrée, qui a lieu début novembre, se fait, mais avec peu d’étudiants. A la Faculté de médecine, pour laquelle nous disposons de plus d’informations grâce aux travaux de la Commission historique pour l’histoire de la Faculté de médecine de la Reichsuniversität Straßburg (CHRUS), il n’y a plus que 18 étudiants civils.

Une doctorante irlandaise de l’Unistra a mis notamment au jour le témoignage de Kurt Hofmeier, professeur de médecine et directeur de la clinique pédiatrique, qui ne quitte les lieux que le 23 novembre avec sa famille dans une voiture surchargée. Les enseignants qui n’ont pas pu ou voulu fuir sont arrêtés, à l’image du doyen de la Faculté de médecine Johannes Stein.

Les restes des corps des déportés juifs sont découverts par les militaires français

Sur place, pas de destructions systématiques, le matériel, s’il ne peut pas être emporté, est laissé. Les restes des corps des déportés juifs collectés par August Hirt sont découverts par les militaires français dans les cuves de l’Institut d’anatomie, rapporte Catherine Maurer. De son côté, l’université de Strasbourg repliée à Clermont Ferrand, libérée le 27 août 1944, ne fera sa rentrée à Strasbourg que l’année suivante, en novembre 1945.

Les 80 ans de la mort de Marc Bloch

Cette année est également marquée par la commémoration des 80 ans de la mort de Marc Bloch, enseignant, chercheur et résistant, qui donne son nom à l’université des sciences humaines de Strasbourg avant la fusion des trois universités en 2009.

D’origine juive et alsacienne, Marc Bloch est nommé maître de conférences à Strasbourg en 1919, dans le contexte de refrancisation de l’université. Il y reste jusqu’en 1936, date à laquelle il est nommé à la Sorbonne, à Paris. Sous le gouvernement de Vichy, il est d’abord exclu en tant que Juif de la fonction publique. Sa qualité de combattant décoré de la Première Guerre mondiale lui permet d’être réintégré en 1941 dans le corps des enseignants de l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, souligne Catherine Maurer.

La même année, en raison de la santé de sa femme, il obtient son transfert à l’université de Montpellier. Engagé dans la résistance depuis 1943, il est fusillé par les Allemands le 16 juin 1944. Il est notamment connu pour avoir fondé à Strasbourg, à la fin des années 1920, avec Lucien Febvre, “les Annales d'histoire économique et sociale”. Ensemble, ils participaient aux “réunions du samedi” qui permettaient aux enseignants et chercheurs de différentes disciplines d’échanger sur leur expérience, ajoute la chercheuse.

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