Par Marion Riegert
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100e anniversaire de la guerre gréco-turque : «Une homogénéisation forcée traumatisante»

Septembre 1922, la guerre gréco-turque prend fin sur une défaite grecque. S’ensuit un important mouvement de personnes envoyées en Grèce ou en Turquie selon leur appartenance religieuse. A l’occasion des 100 ans de la fin du conflit, des chercheurs reviennent sur l’évènement lors d’une table ronde coodonnée par le département d'études turques et celui d'études néo-helléniques, le 13 octobre 2022. Un conflit qui fait écho aux tensions actuelles entre Grèce et Turquie notamment en Méditerranée orientale.

1922, suite à la guerre d’indépendance turque débutée en 1919 contre la Grèce, la victoire de Mustafa Kemal Atatürk met fin à l’Empire ottoman et voit la naissance de l’Etat turc. S’ensuit la signature du traité de paix de Lausanne en 1923.

Dans ce conflit, qui s’inscrit dans le prolongement de la Première Guerre mondiale, deux populations importantes réclament le même territoire : les Grecs-orthodoxes et les Turcs-musulmans. C’est surtout une guerre d’appartenance, en visant les chrétiens, on vise les Grecs et en visant les musulmans, on vise les Turcs, précise Samim Akgönül, directeur du département d’études turques.

L’appartenance religieuse détermine les Etats 

L’idéal de la nation, c’est une population homogène

Pour régler le problème, une convention d’échange obligatoire, signée 6 mois avant le traité de Lausanne, stipule que les orthodoxes de Turquie doivent aller en Grèce et les musulmans de Grèce en Turquie. L’organisation sociétale de l’Empire ottoman était basée sur l’appartenance religieuse. A cette époque, l’idéal de la nation, c’est une population homogène, précise Maria Zerva, maîtresse de conférences au département d'études néo-helléniques.

Une vingtaine d’Etats nations sont sortis de l’Empire ottoman. Dans les Balkans par exemple, l’appartenance religieuse a déterminé les Etats comme, récemment, la  Serbie, la Croatie et Bosnie alors qu’ils ont la même langue. C’est quelque chose qui étonne en occident car il n’y a pas le même regard sur la religion, poursuit Samim Akgönül.

Certains territoires exemptés

Résultat : 1,5 million d’orthodoxes sont envoyés en Grèce qui compte alors une population globale de 4 millions de personnes. A l’inverse, seuls 600 000 musulmans sont envoyés en Turquie. Cette séparation des populations a anéanti les peuples et désappris à se connaitre, détaille Maria Zerva qui parle d’homogénéisation forcée traumatisante.

Certains territoires sont exemptés : le patriarcat œcuménique grec orthodoxe reste par exemple à Istanbul. Les Turcs ont accepté à condition qu’il devienne une église locale à laquelle il a fallu une communauté locale. 150 000 orthodoxes ont ainsi pu rester, ajoute Samim Akgönül.

Une table ronde le 13 octobre

Pour revenir sur ces évènements et la transmission de la mémoire, la table ronde propose différents angles : l’aspect mémoriel de 1922 en Grèce contemporaine. Une analyse de la poésie des orthodoxes en turc écrite en caractères grecs. « Dans l’Empire ottoman, les mélanges entre langues, combinées à des alphabets qui ne leur sont pas habituellement associés, étaient courants », glisse Maria Zerva. Sans oublier l’étude d’articles de la revue Correspondance d’Orient suivant les évènements de 1918 à 1923. L’après-guerre, la paix et la réconciliation, ou encore la transmission aux enfants à travers la littérature enfantine.

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