Par Catherine Schröder | Elsa Collobert
Temps de lecture :

Une commémoration des rafles du 25 novembre 1943 sous le signe de Paul Collomp

Le 25 novembre 1943, 83 professeurs, étudiantes et étudiants de l’université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand étaient raflés et déportés. Parmi eux : Paul Collomp. Une plaque au nom de l’historien strasbourgeois, résistant, a été dévoilée lors de la traditionnelle cérémonie honorant ces « victimes de la barbarie nazie », lundi 25 novembre 2024, dans l’aula Marc-Bloch du Palais universitaire, en présence de représentants de l’Université Clermont-Auvergne et de l'État. Elle sera installée à l’entrée de la bibliothèque d’histoire du bâtiment, qui porte désormais son nom.

Biographie de Paul Collomp

Né à Niort le 15 septembre 1885, Paul Collomp fit de brillantes études à Tours, puis au lycée Louis-Le-Grand, avant de réussir le concours de l’École normale supérieure en 1905, puis le concours de l’agrégation de lettres en 1909. Après avoir brièvement enseigné au lycée de Brest il obtint, de 1910 à 1913, un congé pour travailler à l’École des Hautes études. En 1913, il devint pensionnaire à l’Institut d’archéologie du Caire. Mobilisé en 1914, il rejoignit le front où il fut blessé à trois reprises ; il a été décoré de la Croix de guerre 1914-1918 et de la Légion d’honneur. Il se maria le 24 février 1919 à Niort avec Marie-Thérèse Corbineau, puis se remaria le 6 octobre 1937 à Nice avec Yvonne Grimault.

Spécialiste de l’Égypte ptolémaïque, il enseigna à partir de novembre 1919 à la Faculté des lettres de Strasbourg, d’abord comme maître de conférences en papyrologie et en grec ancien, puis comme professeur à partir de 1926. Il publia notamment : Recherches sur la chancellerie et la diplomatique des Lagides, Paris, 1926 (thèse de doctorat) ; La papyrologie, introduction à cette discipline, Paris, 1927 ; La critique des textes, Paris, 1931. En novembre 1942, il fut élu membre correspondant de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

Mobilisé en 1939 comme capitaine à l’état-major, il rejoignit, après sa démobilisation, l’Université de Strasbourg repliée à Clermont-Ferrand, où celle-ci devint un foyer de la Résistance. Paul Collomp y participait comme membre du réseau Action R6 du Bureau central de renseignements et d’action. Pendant la rafle du jeudi 25 novembre 1943 à l’Université, Georges Mathieu, étudiant strasbourgeois devenu un collaborateur après avoir été un résistant, et le gestapiste Joseph Kaltseiss surprirent Paul Collomp dans un couloir et le sommèrent de lever les mains. Jugeant qu’il n’obéissait pas suffisamment rapidement, Kaltseiss le frappa violemment à la nuque, ce qui le fit se retourner. L’agresseur lui déchargea alors son révolver en pleine poitrine. Laissé pour mort, Paul Collomp agonisa une partie de la matinée puis décéda.

Il fut inhumé le 29 novembre au cimetière des Carmes à Clermont-Ferrand, tout cortège funèbre ayant été interdit. Seuls les sept doyens de l’Université de Strasbourg et quelques professeurs eurent le droit d’assister son épouse, Yvonne Grimaud, pendant ses obsèques. Les pouvoirs publics ne furent ni présents ni représentés ; par contre, la Gestapo était bien là. 80 professeurs de la Sorbonne adressèrent à l’Université de Strasbourg un message de solidarité. Plus de 500 personnes furent arrêtées ce jeudi 25 novembre. C’était un jour de forte présence à l’université, mais les professeurs et étudiants absents furent arrêtés à leur domicile. 130 connurent la déportation, et 30 seulement en revinrent.

Dans les locaux de l’Université Blaise-Pascal, une plaque rappelle l’assassinat de Paul Collomp. Une rue voisine porte son nom ainsi qu’un bâtiment et un amphithéâtre. À Strasbourg, une salle de spectacle, une rue et l’Institut d’histoire ancienne ont pris son nom. À Paris, au Panthéon, son nom est inscrit sur la plaque commémorative des écrivains. Dorénavant, le nom de Paul Collomp sera également associé à la bibliothèque d’histoire du Palais Universitaire, pour que la mémoire de ce héros de la Résistance reste attachée à l’Université de Strasbourg et à la discipline à laquelle il avait consacré sa carrière scientifique.

Texte rédigé par Michel Humm, doyen de la Faculté des sciences historiques

Changer d'article