Par Elsa Collobert
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Festival Format(s) : 37 affiches à découvrir au pied de la lettre

Festivals, théâtres, restaurants… Sorties de leur « milieu naturel », 37 affiches sont exposées dans l’aula du Palais universitaire, dans le cadre du jeune festival de design graphique Format(s). Visite guidée en compagnie de Marie Secher, enseignante en design à la Faculté des arts, l’une des six organisatrices de l’exposition.

Lettres affichées.  Pour sa 3e édition, le festival Format(s) s’invite à l’université. Version grand format : les 37 affiches se déploient sur d’immenses panneaux de bois, 2 mètres de hauteur, adaptés à la majestueuse aula du Palais universitaire.

Elles fonctionnent toutes en diptyques, déclinées sur des thématiques, ‘’Couvrir-découvrir’’, ‘’Lettre architecte’’, ‘’Ultra lettres’’, ‘’Matériau lettre’’… , égrène Marie Secher.

La graphiste est membre du collectif de bénévoles Central Vapeur, organisateur du festival, et enseigne le design à la Faculté des arts : « Nous sommes ici dans un lieu d’enseignement, de savoir, et c’est ce que nous avons souhaité célébrer en actant les liens entre le festival et l’université ». Le sujet de la lettre affichée s’est aussi imposé, « dans le contexte de Strasbourg Capitale mondiale du livre ».

45 000 C’est le nombre d’affiches conservées au Signe (Centre nationale du graphisme) de Chaumont, dont est extraite la sélection présentée au Palais universitaire, cantonnée pour sa part à ces cinq dernières années

Marie Secher rappelle l’importance d’accompagner cet affichage de moments de médiation. Pour cela, dès que possible, nous organisons des visites commentées et libres, à la demande . Beaucoup de classes sont et vont venir, principalement en design : Des étudiants de la Faculté des arts, mais aussi d’écoles privées, du lycée Le Corbusier…  Signe du retentissement croissant du festival, à Strasbourg où illustration et graphisme sont des marqueurs forts : Nous recevrons des groupes venus de Nancy, Metz et même Paris. Un livret, riche d’informations, est aussi à disposition des visiteurs.

Pas de frontières de pays ni de générations

Les six organisateurs de l’exposition tiennent à se jouer des frontières : Nous donnons une place à des collectifs de graphistes de toute l’Europe, sans oublier l’échelle régionale, et de toutes générations. Ces affiches interpellent, par leur format, leur partis pris typographiques, leurs couleurs… Certaines sont porteuses d’un message, d’autres le contredisent . À l’instar des Bâlois de Studio Tristesse, qui signent le système graphique du festival Format(s), certaines détournent les codes de la publicité . D’autres assument une démarche d’auteur, nécessitant plusieurs niveaux de lecture et pour le lecteur, de s’approcher de l’œuvre pour la décrypter. L’installation sous forme de diptyques incite au dialogue, y compris en direction des visiteurs : En sortant ces affiches de leur “milieu naturel”, on cherche à questionner le public. À lui montrer que l’auteur lui adresse un message, joue avec ses codes, ses références. On ne cherche pas à le manipuler pour faire de la vitrine ou vendre quelque chose. Il y a une responsabilité dans ce que l’on expose dans l’espace public.

Couvrir/découvrir

« En France, nous avons une forte culture de l’affiche, dont la lecture est immédiate. Dans l’exposition, nous avons voulu ouvrir la porte à d’autres cultures visuelles. La Suisse a, en la matière, des particularités marquées. L’affiche de droite a été conçue pour promouvoir une exposition au musée d’histoire de La Chaux-de-Fonds (2022). En écho à la thématique de la vie clandestine menée par des milliers d’enfants de travailleuses et de travailleurs saisonniers, dans les années 1980, Studio Kombo donne à la lettre deux fonctions : symbole en tant que transmission d’information, mais aussi signe iconique, grâce à l’utilisation d’une deuxième nuance de gris, dessinant une silhouette d’enfant. Cela ne se remarque que si l’on s’approche assez près de l’affiche.

Ce besoin d’une deuxième lecture encore plus manifeste pour l’affiche de gauche, où il faut aller chercher les éléments informatifs en bordure, à la marge de l’affiche, qui fait la part belle au visuel et à la superposition de couches d'aplats. Cela fait appel à un positionnement particulier au lecteur : on le sollicite d'abord par le biais de la forme. »

Écriture sensible

« Ce sont deux affiches, pour deux saisons culturelles du Théâtre des 13 vents, à Montpellier. Ici on est vraiment face à un grand format, très immersif (MUPI). Le support s’efface derrière l’affiche, qui occupe tout l’espace. Les graphistes de Formes Vives (2020), un collectif aujourd’hui séparé, ont retravaillé des photos, y additionnant des matières graphiques pouvant donner l’impression que l’on est face à des peintures : il y a clairement une influence de l’Art nouveau. Ces photos représentent des corps, en train de faire quelque chose, et non “chosifiés”, comme dans la publicité. On note aussi la rencontre de deux pratiques : numérique, avec le traitement photo, et écriture manuscrite. Cela fait sens dans le contexte d’un théâtre, où rapport au corps et à la gestuelle sont essentiels. Forme manuelle et numérique se confrontent, tout en cohabitant harmonieusement. »

Matériau lettre

« Nous sommes face à des affiches pour des expositions, à Berlin (2020). Le parti-pris est intéressant, audacieux : il s’agit de réinterprétations graphiques à partir de la matérialité de l’œuvre de l’artiste : le ruban adhésif dans un cas, la mousse expansée de l’autre. »

Accompagner la forme

« Ces deux affiches sont signées du collectif de Valence (2022) : c’est formidable l’unité qu’ils parviennent à créer d’une année à l’autre, cette même signature visuelle. Cela rappelle le collectif Helmo, qui signe l’identité visuelle, également très forte, du festival strasbourgeois Jazzdor. Ils sont d’ailleurs présents dans l’exposition, avec deux affiches sérigraphiées pour un restaurant. On a tenu à les intégrer à l’exposition car dans leur cas, la présence de lettres, et donc d’informations, est minime. D’où l’intérêt d’une médiation, pour comprendre leur contexte et leur intention. On flirte vraiment avec les frontières : où s’arrête le travail du designer, où commence celui de l’artiste ? »

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