Cheminements sauvages en milieu urbain
Associer des gestes animaux à des formes et matières représentatives de la ville, détourner à leur intention les injonctions du mobilier urbain... A l'invitation de Katrin Gattinger, les visiteurs de son exposition Plan B marchent dans les traces d'animaux captées, interprétées par l'artiste plasticienne. Rendez-vous du 26 janvier au 30 mars 2023, à l'espace Cryogénie.
Cônes et cubes grignotés par des lapins ; martres, blaireaux et renards figés dans leurs quêtes nocturnes ; banc anti-SDF investi par un sanglier... Usant alternativement du piège photographique, de moulages de silicone ou de projections vidéo, Katrin Gattinger s'attache dans son exposition Plan B à offrir un prolongement aux traces d'animaux captées dans l'environnement aussi bien urbain, agricole que forestier. Autant d'invites, de pistes explorées par l'artiste plasticienne, à partir des cheminements des autres
. Quant au titre de l'exposition, Plan B, il renvoie à l'idée de trouver ailleurs des solutions, de se servir d’autres modèles
.
Katrin Gattinger présente son travail comme une collaboration entre l'artiste et l'animal, souvent à son insu
. C'est d'ailleurs le fil rouge de l'exposition : explorer le rapport, tantôt complice, ambivalent ou hostile, entre ces deux entités. Avec ses installations in situ, sculptures, dessins, photographies..., l'artiste, elle-même embarquée dans une mise en abîme, se plaît à s'interroger : Comment s'approprie-t-on un environnement a priori étranger ?
.
« Lignes de désir »
Et si l’on regardait de plus près ce que proposent les lignes de désir des animaux autres que nous, non seulement pour se déplacer, mais pour pratiquer un territoire, y compris celui que nous nous attribuons en propre ?
Les « lignes de désir » sont ces raccourcis tracés par l’érosion des nombreux passages des piétons cherchant à se rendre plus directement à un endroit sans emprunter les voies validées. Point de départ de l'exposition, qui illustre aussi son affiche : les entrelacs initiés par les insectes scolytes dans le bois de troncs d'arbres qu'ils envahissent, imprimés et prolongés par l'artiste elle-même (lire aussi l'encadré).
C'est aussi une certaine idée de l'irrévérence que Katrin Gattinger, également enseignante-chercheuse et membre de l’unité de recherche Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistiques (Accra - UR 3402), coordinatrice du groupe de recherche L’art traversé par le politique, cherche à explorer. Ainsi, quand elle met en regard deux dispositifs urbains de « design défensif » – banc anti-SDF et pointes anti-intrusion Raptor – avec les traces laissées par des sangliers, captées au moyen d'un enregistrement vidéo et d'un moulage de silicone réalisé dans une souille.
Cartographie artistique
Dans cet état des lieux d'un travail toujours en mouvement, une carte, Plan B Animal, réalisée en collaboration avec l’artiste et enseignante-chercheuse Anna Guilló, expose une enquête artistique des parcours des animaux sauvages, pistés et répertoriés, dans un territoire quadrillé par les activités humaines. L'exposition prolonge des journées d’études interdisciplinaires, « Quand les comportements deviennent gestes : Ruses et appropriations urbaines animales » (éthologie, anthropologie, philosophie, histoire de l’art, arts plastiques, géographie), organisées par l’Accra fin 2022.
- Pratique : Cryogénie - Espace de recherche-création, jardins du Palais universitaire, 3 rue de l’Université, 67000 Strasbourg
Du 26 janvier au 30 mars 2023. Ouvert les mardis, mercredis, jeudis et vendredis de 13 h à 18 h, ouvert les samedis de 10 h à 14 h. Fermeture du 11 au 28 février - Pour en savoir plus : lire le communiqué de presse
Cette exposition est portée par l’Université de Strasbourg, la Faculté des arts de l’Université de Strasbourg et l’unité de recherche Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistique (Accra - UR 3402), en collaboration avec le Service universitaire de l’action culturelle, avec le soutien de la Région Grand Est. Elle bénéficie d'un Idex Culture & Cité.
« Explorer l'articulation entre le geste humain et animal »
Points de départ et fils rouges de l'exposition, des gravures ont été réalisées à partir des traces dessinées sous l'écorce des arbres par des larves de scolytes. Un geste animal, ambivalent : ces insectes détruisent la matière en l'ingérant, mais créent aussi leurs traces, sous forme de beaux dessins, traces qui sont elles-mêmes le reflet de leur vie.
Leur geste crée l'amorce de celui de l'artiste.
Dans une autre œuvre, les mêmes cheminements esquissés par des scolytes servent de point de départ à une fresque murale, réalisée avec de la faïence (argile émaillé) et du dessin à la peinture acrylique.
Comment on s'adapte à un milieu, quelle place prend-on, quelle place donne-t-on ?
sont les questions qui sous-tendent ces deux œuvres.
Catégories
Catégories associées à l'article :Mots-clés
Mots-clés associés à l'article :