Par Marion Riegert
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Prix L'Oréal-Unesco : Emilie Werner remonte le temps aux origines de la vie

Emilie Werner compte parmi les 35 chercheuses distinguées par le 18e prix Jeunes talents France L'Oréal-Unesco Pour les femmes et la science. Il vient récompenser ses travaux sur la compréhension de l'origine chimique de la vie.

Emilie Werner effectue ses études à Strasbourg avant d’intégrer l’École normale supérieure à Paris, au département de chimie, durant quatre ans dont un semestre passé à l’Institut Pasteur. Désireuse de retourner dans l’Est, elle obtient un doctorat dans l’équipe de Joseph Moran à l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (Isis – CNRS/Unistra) pour travailler sur les origines métaboliques de la vie à l’interface entre la chimie et la biologie. 

La vie, chimiquement parlant, peut se réduire à un réseau complexe de réactions appelé métabolisme et catalysé par les enzymes, macromolécules propres à la vie. Toute la question est de savoir comment un tel réseau a pu émerger sur Terre sans les enzymes ? Au départ, la chimie est initiée par les métaux, catalyseurs inorganiques présents sur la Terre primitive, avec d’autres éléments simples comme le CO2 et l’hydrogène. De fil en aiguille, un réseau de réactions émerge et produit des molécules organiques de plus en plus complexes, explique Emilie Werner.

Parmi elles, les coenzymes. Elles vont permettre d’étendre et de renforcer ce réseau en coopérant avec les métaux pour rendre certaines réactions plus efficaces ou en permettre de nouvelles. In fine, les enzymes seront produites et prendront le relais pour aboutir à la biochimie, poursuit la chercheuse qui s’intéresse plus particulièrement à l’Adénosine triphosphate, une de ces coenzymes. Nous avons notamment pu démontrer expérimentalement cette coopérativité entre coenzymes et métaux dans des réactions clés du métabolisme.

Retracer un scénario

Reste à déterminer les étapes entre ces différentes évolutions et pouvoir les reproduire de manière simultanée. À long terme, cela nous permettra de retracer un scénario et d’identifier les paramètres propices à l’émergence de la vie.

Emilie Werner a soutenu sa thèse en avril 2024, elle recherche actuellement un post-doctorat, en Europe. J’ai envie de voir de nouvelles choses, glisse la chercheuse pour qui être une femme en science n’a jamais été un sujet. 

Je me considère comme une scientifique et pas comme une femme scientifique

Je me considère comme une scientifique et pas comme une femme scientifique, j’ai été dans des groupes aussi bien masculins que féminins. Mon cadre familial fait que je n’ai jamais été orientée différemment qu’un garçon. Je me suis familiarisée avec cette question en discutant avec d’autres femmes scientifiques. Il y a un vrai travail de sensibilisation à faire auprès des jeunes filles, des jeunes garçons, sans oublier les parents.

Il ne faut pas rester uniquement dans son laboratoire 

Le prix est pour elle une belle reconnaissance. Il me permet de créer un réseau avec d’autres lauréates, et d’accéder à une communauté à l’international. C’est aussi une aide financière avec une bourse de 15 000 euros.

Un conseil ? Dans la vie, il ne faut pas se poser trop de questions, quand on veut quelque chose et qu’on s’en donne les moyens, la situation finit par se débloquer. En recherche, il ne faut pas rester uniquement dans son laboratoire, l’aspect humain est très important, il faut rencontrer des gens et se créer un réseau pour avoir l’impact le plus étendu.

Le prix Jeunes talents France L'Oréal-Unesco

Issues de toutes les régions de France, les 35 jeunes scientifiques récompensées lors de cette 18e édition ont été sélectionnées parmi près de 800 candidates par un jury de plus de 40 membres de l’Académie des sciences. Biologie, physique, chimie, mathématiques, informatique, ingénierie, sciences de la Terre et de l'Univers : dans un ou plusieurs de ces domaines, les lauréates ont su démontrer une expertise remarquable. Elles bénéficient d’une dotation de 15 000 € pour les doctorantes, 20 000 € pour les post-doctorantes et d’un accompagnement à travers un programme de formation au leadership.

Malgré des progrès significatifs ces dernières années, les femmes ne représentent que 29 % des chercheurs en France, contre 31,7 % au niveau mondial. Grâce à ce prix, les lauréates rejoignent la plus grande communauté de femmes scientifiques dans le monde avec plus de 4 400 chercheuses originaires de plus de 140 pays. Un réseau destiné à favoriser la collaboration scientifique, s’inspirer et se soutenir face aux obstacles.

Ce prix créé en 2007 fait partie du programme L’Oréal-Unesco Pour les femmes et la science débuté en 1998 et construit sur une approche globale pour contribuer à combler l’écart entre les genres dans le domaine scientifique.

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