Par Elsa Collobert
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« Le rugby, c’est ma bouffée d’air ! »

Portrait passion d’Alice Tschudy, chargée de médiation scientifique de la Maison interuniversitaire des sciences de l'homme-Alsace (Misha)*, qui après des années de pratique sur le terrain, s’épanouit aujourd’hui comme coach de l’équipe féminine des Cheminotes. Non seulement tout son entourage pratique le rugby, mais elle y a aussi trouvé une deuxième famille. Et porte un regard plein d’espoir sur son sport comme moteur de changement social.

Le rugby, et si on s’y mettait aussi ?  C’est ce que se sont dit Alice et ses copines en regardant leurs compagnons jouer, au bord du terrain, un glacial dimanche de février. C’était il y a seize ans, à Gif-sur-Yvette, en région parisienne. Depuis, le cadre a changé, mais la passion est restée intacte. Arrivée à Strasbourg, elle rejoint l’équipe des Cheminotes, la section féminine du club strasbourgeois des Cheminots (celui de la SNCF), à Cronenbourg. J’ai intégré leur équipe à sept. Puis, l’équipe s’est étoffée. Les Cheminotes, ce sont deux équipes : une à dix pour les débutantes, et une à quinze en fédérale 2. On compte au total une cinquantaine de joueuses, recrutées par le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux.

L’esprit positif demeure aussi : Dans le club, mixte depuis quasi-toujours, on sait qu’on peut compter les uns sur les autres. C’est d’abord vrai sur le terrain : Bienveillance, solidarité et transmission sont nos maîtres-mots. La dimension collective est primordiale, tu es là pour ta copine, ça aide à se motiver pour l’entraînement les soirs de pluie ! Elle y apprécie aussi le dépassement et la confiance en soi que ce sport apporte : Quel que soit son gabarit, petite, grande, grosse, chacune y a sa place. Ça change des discours habituels et permet de se réapproprier son corps, d’en être fière ! Au point qu’Alice a trouvé dans le ballon ovale une seconde famille.

« Quel que soit son gabarit, chacune a sa place »

Et elle ne parle pas que des 3e mi-temps, des verres et repas partagés dans une ambiance conviviale façon auberge espagnole, qui prolongent bien souvent les matches et les entraînements : C’est simple, je ne peux plus m’en passer !, confie-t-elle dans un grand sourire. Une vraie bouffée d’oxygène, en plein air, d’abord dans un quotidien parisien « métro-boulot-dodo », puis à Strasbourg, à partir de 2016 : Tu claques la porte de chez toi et tu y laisses toute la charge mentale, pour être à 100 % dans ta bulle de jeu, avec tes copines ! Emboîtant le pas à leurs parents, les deux fils d’Alice s’y sont aussi – forcément ! – mis ! Dans le club, la dimension partage est importante : On est tous bénévoles, derrière la buvette, pour faire les repas, coacher… et même tondre la pelouse  !

De l’autre côté du miroir

Depuis l’année dernière, Alice est passée de l’autre côté du miroir : Je disais que j’allais arrêter de jouer, mais je n’arrivais pas à quitter l’équipe. En 2024, elle consent à raccrocher les crampons et à devenir coach. J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps le premier match ! Mais depuis, entre les cours de circuit training qu’elle suit au Service des sports et le rythme intense du rugby (deux entraînements hebdomadaires, y compris pendant les vacances scolaires), les déplacements et les matches, elle a trouvé son équilibre : La transmission me plaît, c’est aussi ce qui m’anime dans mes missions de chargée de médiation scientifique au CNRS ! Un engagement qui lui vaut la médaille du bénévolat de la Fédération française de rugby (FFR), en novembre 2024.

« Quand j’ai commencé, il y avait peu de modèles féminins ! »

Avec ce rôle, il lui plaît de faire bouger les lignes : Quand j’ai commencé, il y avait peu de modèles féminins !  Elle se félicite des progrès, comme la professionnalisation de la pratique féminine, grâce à la FFR. Mais pointe certains écueils persistants : L’image d’un sport violent – alors oui on se blesse, mais pas davantage qu’ailleurs ! L’équitation est bien plus risquée ! La pratique est adaptée, pour les petits de 6 ans on ne fait pas de placages, et à notre niveau, les placages doivent se faire aux hanches, pour éviter les accidents. Si les filles sont de plus en plus nombreuses à se lancer, un peu à contre-courant de la norme sociétale, beaucoup arrêtent à l’adolescence, entre 15 et 18 ans par manque de joueuses pour former une équipe et jouer en championnat. Mais avec la nouvelle génération de joueuses internationales et l’engouement médiatique qui améliore la visibilité du rugby féminin, on peut espérer que l’engouement des filles – et de leurs parents – pour la pratique s’accélère, espère Alice. Avec des personnes comme elle qui se retroussent les manches, la pratique féminine du rugby a de beaux jours devant elle !

* Universités de Strasbourg et de Haute-Alsace, CNRS, Réseau national des Maisons des sciences sociales et des humanités (RnMSH)

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