Le Rhin comme trait d’union : Caroline Rouaux, co-lauréate du prix Forcheurs 2024
Des décennies durant, la moelle épinière était au centre de la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique. Un binôme franco-allemand de chercheuses a décidé d’étudier la contribution du cortex cérébral à cette maladie : elles voient leurs avancées récompensées par le prix Forcheurs 2024.
De Strasbourg à Munich, il n’y a qu’un pas : la chercheuse Caroline Rouaux (UMR Neurosciences et psychiatrie translationnelles - Inserm/Unistra) et Sabine Liebscher (Institute of Clinical Neuroimmunology), qui exercent respectivement dans ces villes, consacrent leurs recherches à mieux comprendre les mécanismes cellulaires et les circuits qui régissent la sclérose latérale amyotrophique (SLA). Cette maladie neurodégénérative mortelle, plus connue sous le nom de maladie de Charcot, est causée par la dégénérescence des neurones moteurs supérieurs et inférieurs du cortex cérébral et de la moelle épinière. Généralement fatale dans les 3 à 5 ans suivant son apparition, il n’existe à ce jour aucun traitement efficace pour traiter ou ralentir la maladie.
Leur projet de recherche commun « Hyperexcitabilité corticale et noradrénaline : biomarqueur et cible thérapeutique de la SLA » vient d’être récompensé par le prix Forcheurs 2024. Parrainée par Jean-Marie Lehn (prix Nobel de chimie en 1984), cette distinction est décernée annuellement à un binôme franco-allemand de jeunes chercheurs pour le caractère prometteur de leur collaboration, dans les domaines de la santé, de la pharmacologie ou de la chimie. Le 24 juin dernier à Berlin, les deux consœurs se sont vues remettre leur récompense dans l’enceinte de l’Ambassade de France en Allemagne – qui coorganise le prix avec l’Université franco-allemande.
Ce succès commun tient en partie à la complémentarité de leur expertise scientifique : Caroline Rouaux est biologiste moléculaire, formée à la neurodégénérescence et au neurodéveloppement tandis que Sabine Liebscher est médecin, formée aux neurosciences avec une expertise dans les technologies d’imagerie in vivo pour étudier la neurodégénérescence. Grâce à cette combinaison, elles ont abordé la SLA sous un nouvel angle, en tenant compte de la complexité de notre cerveau et de ses circuits.
Une approche nouvelle
Alors que pendant des décennies la recherche préclinique s’est surtout focalisée sur la moelle épinière, les deux chercheuses ont décidé d’étudier la contribution du cortex cérébral à la maladie. Elles se sont notamment intéressées à un phénomène appelé « hyperexcitabilité corticale » : il désigne un déséquilibre entre une forte activité des neurones excitateurs (qui transmettent les messages stimulant les muscles) au détriment de l’activité des neurones inhibiteurs (qui bloquent la transmission des signaux). Cette caractéristique de la SLA précède l’apparition des symptômes et sa gravité est négativement corrélée à la survie des patients atteints.
Leur programme de recherche commun a permis de mettre au point un nouveau mode de détection de l’hyperexcitabilité corticale, en clinique, qui est actuellement testé en tant que nouveau biomarqueur diagnostique et pronostique de la maladie. En outre, elles ont commencé à décrypter les mécanismes sous-jacents à l’hyperexcitabilité corticale et ont identifié de manière inattendue un déficit des concentrations et de la libération de noradrénaline – un type de neurotransmetteur – dans le cortex moteur des patients atteints de SLA. Cette découverte ouvre de nouvelles voies thérapeutiques, qu’elles explorent actuellement ensemble.
Le Rhin comme trait d’union
Cette récompense s’inscrit dans une dynamique particulièrement prospère entre les deux chercheuses, qui collaborent depuis 2017 : ensemble, elles ont coorganisé des réunions scientifiques, attiré d’autres chercheurs de part et d’autre du Rhin, récemment publié leurs travaux dans le journal Science Translational Medicine, et obtenu des financements prestigieux. L’exemple en date le plus récent : leur projet retenu par l’association américaine Tambourine en lien avec l’institut philanthropique Milken Institute, qui figure parmi les 8 lauréats sur 143 propositions reçues.
Le prix Forcheurs vise à promouvoir la coopération scientifique entre la France et l’Allemagne : en 2024, il a trouvé deux ambassadrices à la mesure de cette ambition !
Article initialement paru sur le site de l'Inserm
Profils
- Caroline Rouaux est chercheuse à l’Inserm et cheffe de l’équipe SLA-DFT au sein de l’Unité mixte de recherche Neurosciences et psychiatrie translationnelles de Strasbourg (Inserm/Unistra).
- Sabine Liebscher exerce à l’Institute of Clinical Neuroimmunology, University Hospital of Munich, Ludwig-Maximilians University Munich & Department of Neurology, University Hospital of Cologne, University of Cologne.
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